Le ministre ivoirien des Mines, du Pétrole et de l'Énergie, Mamadou Sangafowa Coulibaly (à gauche), succède à son homologue congolais, Bruno Jean Richard Itoua (au centre), à la présidence de l'APPO.
L'Afrique pétrolière entame un nouveau cycle de son histoire. À l'issue de la 48ᵉ réunion du Conseil des ministres de l'Association des pays producteurs de pétrole africains (APPO), tenue les 4 et 5 novembre à Brazzaville, la Côte d'Ivoire a été désignée pour assurer la présidence de l'organisation en 2026. Son ministre des Mines, du Pétrole et de l'Énergie, Mamadou Sangafowa Coulibaly, succédera ainsi à son homologue congolais, Bruno Jean Richard Itoua, à la tête d'une institution appelée à jouer un rôle stratégique dans un contexte mondial de transition énergétique et de raréfaction des financements pour les hydrocarbures.
Créée en 1987, l'APPO regroupe aujourd'hui 18 pays membres, parmi lesquels l'Algérie, le Nigeria, l'Angola et la Libye. Elle se donne pour mission de défendre les intérêts communs des producteurs africains de pétrole et de gaz, tout en promouvant une exploitation durable et souveraine de leurs ressources naturelles. Si la Côte d'Ivoire, alors producteur modeste a intégré l'organisation en 1989, son accession à la présidence intervient à un moment où le pays est en pleine développement de ses ressources extractives avec des découvertes de classe mondiales.
Dans un contexte marqué par le désengagement progressif des bailleurs de fonds et des majors occidentales du secteur fossile, la présidence ivoirienne s'annonce comme une mandature de refondation. " La pertinence de notre organisation n'a jamais été aussi évidente ", a déclaré Mamadou Sangafowa Coulibaly.
La Banque africaine de l'énergie, priorité du mandat ivoirien
Au cœur du mandat du ministre ivoirien : la finalisation de la Banque africaine de l'énergie, un projet majeur porté par l'APPO depuis six ans. Cette institution, conçue avec un capital initial de 5 milliards de dollars, vise à renforcer l'autonomie financière du continent dans le développement de ses projets énergétiques, alors que les financements internationaux se détournent de plus en plus du pétrole et du gaz.
" La Banque aura pour vocation de financer le développement de nos ressources, depuis la recherche jusqu'à l'exploitation et la transformation locale ", a affirmé le ministre ivoirien insistant sur l'urgence d'un financement endogène des projets énergétiques africains. Une position partagée par le Premier ministre congolais Anatole Collinet Makosso, qui, en ouvrant la réunion ministérielle, a dénoncé " l'absurdité " d'un continent exportant la majeure partie de son énergie tout en abritant la population mondiale la plus privée d'accès à l'électricité.
Pour donner corps à cette ambition, Mamadou Sangafowa Coulibaly aura, au nombre de ses grands chantiers, la tenue d'un sommet des chefs d'État de l'APPO au premier semestre 2026, destiné notamment à mobiliser les engagements nécessaires au lancement effectif de la Banque. Une rencontre qui devrait parachever le plaidoyer pour une première mobilisation de 500 millions de dollars, la part de capital nécessaire à l'opérationnalisation de la Banque.
Contenu local
L'un des temps forts des assises de Brazzaville a été l'adoption à l'unanimité de la Déclaration sur le contenu local, désormais connue sous le nom de " Déclaration de Brazzaville ". Ce texte en dix points engage les États membres de l'APPO à renforcer l'intégration des entreprises africaines dans la chaîne de valeur pétrolière et gazière, en s'appuyant sur les meilleures pratiques internationales. Cette initiative s'inscrit dans le prolongement de la 4ᵉ Conférence et Exposition de l'APPO sur le contenu local en Afrique (CECLA), organisée parallèlement dans la capitale congolaise. Un rendez-vous qui offre une plateforme de concertation pour raviver la mobilisation autour d'un enjeu désormais central : faire du contenu local un instrument d'inclusion économique et de partage plus juste des richesses issues de l'exploitation pétrolière.
La Côte d'Ivoire s'illustre déjà comme l'un des pays africains les plus innovant en la matière. Depuis la découverte du champ offshore Baleine en 2021 – un gisement de classe mondiale – Abidjan a adopté une loi sur le contenu local et déployé une plateforme numérique dédiée permettant de suivre en toute transparence la participation des entreprises nationales. Ce dispositif a déjà enregistré quelque 2 000 entreprises locales, actives dans la sous-traitance et les services liés à l'industrie pétrolière.
" Nous avons bien eu raison de travailler très tôt sur le contenu local. C'est la clé pour faire du secteur pétrogazier un levier majeur d'emploi et de croissance ", a confié à la presse Mamadou Sangafowa Coulibaly.
L'approche ivoirienne, à la fois pragmatique et innovante, séduit de nombreux partenaires africains. " Nous espérons à terme évoluer vers la construction d'un contenu local régional, voire continental ", a confié le ministre, qui voit dans la présidence ivoirienne une opportunité d'harmoniser les cadres réglementaires et de mutualiser les expériences.
Entre transition énergétique, financement endogène et montée en puissance du contenu local, la présidence ivoirienne de l'APPO s'annonce déterminante pour l'avenir de la filière pétrogazière africaine. Elle pourrait aussi marquer un tournant historique : celui d'un continent qui, conscient de ses atouts et de ses besoins, entend enfin reprendre la main sur ses ressources énergétiques et peser davantage sur les grands équilibres mondiaux.
Sous la conduite de Mamadou Sangafowa Coulibaly, la Côte d'Ivoire aborde cette responsabilité avec une ambition forte, celle de faire de la coopération pétrolière africaine un pilier de souveraineté et de prospérité partagée.
Jean Mermoz Konandi
Publié le 05/11/25 09:41


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