L'Afrique concentre certaines des plus grandes réserves mondiales de minéraux critiques indispensables à la transition énergétique et numérique. Cobalt, lithium, graphite, manganèse ou encore platine sont devenus les nouveaux ‘'or noir'' du XXIᵉ siècle.
Un récent rapport de la Banque africaine de développement (BAD) met en lumière un potentiel colossal, mais aussi une problématique urgente : sans politiques adaptées, cette manne risque de reproduire le syndrome de la dépendance aux matières premières, au lieu de soutenir une croissance durable et inclusive.
Un trésor minéral encore sous-exploité
Le rapport révèle que l'Afrique détient plus de 30% des réserves mondiales de minéraux critiques. Elle concentre par exemple plus de 70% du cobalt, environ 40% du manganèse, 25% du graphite et une part substantielle du lithium et du platine. Ces ressources, vitales pour les batteries électriques, les énergies renouvelables et les technologies numériques, placent le continent au cœur de la transition énergétique mondiale.
Pourtant, la valeur ajoutée reste faible. Aujourd'hui, l'Afrique n'assure qu'une part marginale de la transformation industrielle de ses propres minéraux. La majorité est exportée à l'état brut vers l'Asie, l'Europe ou l'Amérique du Nord. À titre d'exemple, la RDC produit environ 70% du cobalt mondial, mais transforme localement moins de 5% de cette production.
Un marché mondial en plein essor
Selon la BAD, le marché mondial des minéraux critiques pourrait atteindre 16 000 milliards de dollars d'ici 2050, sous l'effet de l'essor des véhicules électriques et du stockage d'énergie.
Pour l'Afrique, ce marché représente une opportunité historique de capter une partie significative de cette valeur. D'ici 2030, le seul marché africain des batteries électriques pourrait peser près de 57 milliards de dollars, à condition de développer les chaînes de valeur locales.
En outre, la transformation locale des minéraux critiques pourrait créer jusqu'à 2,4 millions d'emplois directs et indirects en Afrique d'ici 2030. Ces emplois concerneraient aussi bien l'extraction que le raffinage, la fabrication de composants et les services associés. Mais pour que cet impact soit inclusif, il est essentiel de favoriser l'emploi des jeunes et des femmes, aujourd'hui largement sous-représentés dans les filières minières.
La BAD insiste sur trois leviers majeurs. D'abord, la gouvernance : renforcer la transparence, améliorer la fiscalité et lutter contre l'exploitation illégale afin de maximiser les recettes publiques. Ensuite, l'industrialisation en investissant dans les infrastructures, l'énergie et les compétences techniques pour encourager la transformation locale. Enfin, la coopération régionale pour mutualiser les capacités à travers la ZLECAf, la zone de libre-échange continentale, pour bâtir des chaînes de valeur continentales, capables de rivaliser avec l'Asie.
En revanche, ‘'si les États africains se contentent d'exporter leurs minéraux bruts, ils s'exposent à un nouveau piège de dépendance, où les bénéfices resteront captés par les multinationales étrangères'', met en garde le rapport.
À l'inverse, une stratégie intégrée pourrait transformer ces minéraux critiques en moteur d'industrialisation, de souveraineté énergétique et de développement durable pour des millions d'Africains.
Dr Ange Ponou
Publié le 20/08/25 13:16