La perspective d'un apaisement durable entre la République démocratique du Congo (RDC) et son voisin du Rwanda pourrait débloquer l'un des projets énergétiques les plus ambitieux de la région des Grands Lacs. En effet, la société américaine Symbion Power LLC, spécialisée dans la production d'électricité, envisage d'investir 700 millions de dollars, soit 393 milliards FCFA, dans la construction d'une centrale électrique de 140 mégawatts et de lignes de transmission le long de la frontière commune, pour transformer le gaz méthane du lac Kivu en électricité.
Un projet d'une telle envergure ne pourra toutefois voir le jour qu'à une condition : le retrait des rebelles du M23 des zones stratégiques de l'Est congolais, notamment Goma, ainsi que l'amélioration durable de la situation sécuritaire dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri. ‘'Sans stabilité, aucune construction n'est envisageable'', a indiqué à Bloomberg, le PDG de Symbion, Paul Hinks.
Un potentiel énergétique sous-exploité
Le lac Kivu, partagé entre la RDC et le Rwanda, recèle d'importantes réserves de gaz méthane. Côté rwandais, Symbion a déjà mené deux projets similaires, cédés en 2019, mais la partie congolaise reste largement inexploitée. Cette nouvelle centrale alimenterait prioritairement Goma, hub économique régional, ainsi que les localités riveraines, avec un impact attendu sur la compétitivité industrielle et l'accès à l'électricité.
La construction devrait durer environ 30 mois et s'inscrirait dans le cadre d'un accord d'intégration économique signé récemment par Kinshasa et Kigali, sous l'égide de Washington. Le projet Symbion s'inscrit dans une stratégie plus large portée par les États-Unis pour stabiliser la région via des investissements structurants. Au mois de juin dernier, sous médiation américaine, le Congo et le Rwanda ont signé à Washington un accord de paix, suivi d'un cadre d'intégration économique. Les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame devraient prochainement rencontrer le président Donald Trump pour finaliser les détails de cette coopération.
Outre le lac Kivu, Symbion développe via sa filiale Hydro-Link un projet de 1,5 milliard de dollars visant à relier par une ligne à haute tension l'Angola à la ceinture cuprifère et cobaltifère du Congo. Par ailleurs, sa branche MyHydro prévoit la construction de dizaines de petites centrales hydroélectriques à travers la RDC.
Le financement du projet lacustre devrait mobiliser des ressources de la Société américaine de financement du développement international et de la Banque d'import-export des États-Unis. Les autorités congolaises de l'Énergie et des Hydrocarbures n'ont pas réagi officiellement, notamment en raison du récent remaniement ministériel décidé par le président Tshisekedi.
Si le retrait du M23 se concrétise et que la stabilité s'installe, la RDC pourrait tirer un double bénéfice : d'une part, un apport énergétique décisif pour soutenir son économie ; d'autre part, un signal fort envoyé aux investisseurs internationaux sur sa capacité à transformer un fragile cessez-le-feu en véritable opportunité de développement.
Narcisse Angan
Publié le 09/08/25 13:25