La transparence a un prix, et le Sénégal est en train de le découvrir. Un document budgétaire révisé, publié par le gouvernement la semaine dernière, révèle une augmentation spectaculaire des prévisions de service de la dette pour les trois prochaines années. Cette révision, qui met en lumière l'impact de la dette non signalée de l'ancienne administration, intervient à la veille d'une mission cruciale du Fonds Monétaire International (FMI).
Des Engagements de Paiement qui s'alourdissent
Le gouvernement sénégalais a revu à la hausse ses projections de remboursement du principal et des intérêts de la dette, avec une augmentation cumulée d'environ 3 200 milliards FCFA (environ 5,8 milliards de dollars) sur la période 2026-2028.
L'analyse des projections révisées met en évidence une intensification sans précédent de la pression financière pesant sur le budget sénégalais pour les années à venir. Le calendrier des paiements révèle en effet des montants significativement revus à la hausse, nécessitant une réorganisation urgente des finances publiques.
Pour l'année 2026, le service de la dette (comprenant le principal et les intérêts) est désormais projeté à 5 490 milliards de FCFA, représentant une augmentation de plus de 11 % par rapport aux estimations faites en juin.
La situation s'aggrave sur le moyen terme : en 2027, la facture totale bondit de près d'un tiers (+33 %) pour atteindre 4 410 milliards de FCFA. Enfin, l'année 2028 enregistre le choc le plus sévère, avec une hausse spectaculaire de près de 50 %, portant le montant total du service de la dette à 4 970 milliards de FCFA.
Bien que les raisons exactes de cette révision à la hausse n'aient pas été explicitées par le Ministère des Finances, elles sont manifestement liées à l'intégration de la dette non déclarée par l'administration précédente, dont le montant se chiffre en milliards de dollars.
Une dette à 132 % du PIB
Cette transparence forcée survient après que l'annonce de la dette dissimulée l'année dernière ait conduit le FMI à geler son programme de prêt de 1,8 milliard de dollars.
Un porte-parole du FMI a d'ailleurs confirmé que le ratio dette/PIB du Sénégal – incluant la dette du gouvernement central, celle des entreprises publiques et les arriérés intérieurs – s'élevait désormais à 132 % à la fin de 2024. Ce chiffre confirme la gravité de la crise budgétaire.
La Mission du FMI, Juge de Paix
Le document budgétaire révisé a été publié stratégiquement lors des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Washington, où le Sénégal a initié des négociations pour un nouveau programme de prêt.
L'étape suivante, et la plus critique, est la mission du FMI prévue du 22 octobre au 4 novembre à Dakar. Deux enjeux majeurs sont sur la table :
La Dérogation : Le Sénégal a besoin que le conseil d'administration du FMI approuve une dérogation pour la dette non déclarée. Sans cette approbation, tout nouvel engagement financier est bloqué.
L'Analyse de Viabilité : Le FMI devra réaliser une analyse de la viabilité de la dette. C'est ce diagnostic qui déterminera si le niveau d'endettement du pays est jugé gérable, ou s'il nécessite des mesures drastiques telles qu'un reprofilage ou une restructuration pure et simple.
Les investisseurs, dont la confiance a été ébranlée par la perte de transparence, suivent ces discussions de très près. L'issue de la mission FMI dictera le coût futur de l'emprunt pour l'État sénégalais et, par extension, la trajectoire économique du pays pour les années à venir.
Mamadou Diao Barry
La Rédaction
Publié le 23/10/25 12:51


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