Le Sénégal fait face à une crise de la dette sans précédent. Des experts et activistes appellent à un audit citoyen de la dette publique pour éclaircir des zones d'ombre qui menacent l'avenir économique du pays. L'enjeu est de taille : le service de la dette de l'État dépasse désormais les recettes budgétaires, plongeant le pays dans un cycle qui risque de compromettre le développement.
Selon un rapport accablant de la Cour des comptes publié en février 2025, la dette publique du pays a atteint 18 558,91 milliards de FCFA fin 2023, soit 99,67% du PIB. Ce chiffre contraste fortement avec les 72,6% annoncés par le gouvernement précédent, révélant une opacité troublante dans la gestion des finances publiques.
Une dette "cachée" et des violations légales
Le rapport de la Cour des comptes a mis en lumière des engagements financiers contractés sans autorisation parlementaire, en violation de la loi. Une partie de cette "dette cachée", s'élevant à 2 500 milliards de FCFA, a depuis été "régularisée" par l'Assemblée nationale.
Pour de nombreux experts, cette situation s'apparente à une dette odieuse, c'est-à-dire une dette contractée illégalement et qui ne sert pas l'intérêt général. Cette dette, qualifiée de "pointe émergée de l'iceberg", pourrait contraindre le Sénégal à s'endetter à nouveau non pas pour investir, mais simplement pour la rembourser.
Si le gouvernement a mandaté le cabinet Forvis Mazars pour un audit de la dette, les signataires de la tribune estiment que cette démarche, bien que louable, reste insuffisante. Ils demandent une approche plus large et inclusive.
L'appel pour un audit citoyen
Un audit citoyen de la dette (2012-2024) est réclamé pour garantir une transparence totale. Ce processus participatif, mené par des experts et les forces vives de la nation, viserait à identifier les irrégularités dans les contrats de prêt et à formuler des recommandations pour une meilleure gouvernance.
Ce modèle, inspiré par des exemples internationaux comme l'Équateur ou l'Islande, permettrait aux citoyens, qui sont les payeurs finaux de cette dette, d'être des acteurs à part entière du contrôle des finances publiques. C'est, selon les signataires, une exigence éthique et politique fondamentale pour renforcer la démocratie et la souveraineté du pays.
Les recommandations des signataires
Les signataires de la Tribune, parmi lesquels figure le député Mohamed Sagna dit Guy Marius Sagna, adressent plusieurs demandes au gouvernement. Ils appellent d'abord à la mise en place d'un Comité d'audit citoyen de la dette (CAC/DP), qui associerait les institutions, le Parlement, des experts et la société civile. Ils réclament également la suspension immédiate du service des dettes dites " cachées " ou jugées douteuses, ainsi qu'une accélération du traitement des procédures pénales déjà engagées par la Cour des comptes. Enfin, ils plaident pour la création d'une commission d'enquête parlementaire dédiée à la dette publique sur la période allant de 2012 à 2024.
Ils appellent enfin le peuple sénégalais à rester mobilisé pour refuser de porter le poids d'une dette qui n'est pas la sienne.
Mamadou Diao Barry
La Rédaction
Publié le 25/08/25 11:19