Le taux d'inflation en glissement annuel dans l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) s'est établi à 0,6% en mai 2025, marquant une nette décélération de 0,9 point de pourcentage par rapport au mois précédent (1,5%). Cette évolution constitue le septième mois consécutif où l'inflation reste inférieure à la cible basse de la BCEAO, fixée entre 1% et 3%.
En apparence, cette désinflation est une bonne nouvelle pour la stabilité des prix et le pouvoir d'achat des ménages. Mais à ce niveau historiquement bas, elle pose aussi la question d'un ralentissement de la demande intérieure, voire d'un début de stagnation économique dans certaines économies de l'Union.
Une Union monétaire à deux vitesses, inflation divergente, trajectoires contrastées
L'analyse par pays révèle de fortes disparités internes. Le Mali fait figure d'exception avec une inflation (8,1%) qui dépasse largement la norme de la BCEAO, sous l'effet probable de perturbations de l'offre et de tensions sécuritaires qui pèsent sur la distribution des produits de base.
Voir aussi - Côte d'Ivoire : La déflation fait son retour 8 ans après
À l'opposé, le Niger (-3,8%) et la Côte d'Ivoire (-0,1%) enregistrent une baisse absolue des prix à la consommation, phénomène appelé déflation. Si elle est prolongée, la déflation peut désinciter à l'investissement et affecter la dynamique de croissance, en particulier dans les économies à forte composante agricole.
Une inflation sous-jacente en repli, le signal d'un affaiblissement de la demande ?
L'inflation sous-jacente, c'est-à-dire l'inflation hors produits volatils comme l'alimentation et l'énergie, a également reculé à 0,7% en mai contre 1% en avril, selon les données de la BCEAO. Ce repli confirme une détente généralisée des pressions inflationnistes, mais aussi une atonie relative de la demande intérieure, en particulier pour les biens manufacturés et les services.
L'analyse par composante de l'indice des prix à la consommation montre que deux postes expliquent l'essentiel du ralentissement. Il s'agit des produits alimentaires dont la hausse des prix (+2,4% contre +4,5% en avril) a perdu en vigueur, soit une baisse de 2,1 points de pourcentage. Cette décélération s'explique principalement par les bonnes récoltes céréalières issues de la campagne agricole 2024/2025, avec une production en hausse de 3%.
En outre, les prix au niveau du poste ‘'Ameublement et équipement du foyer'' ont suivi la même tendance avec une contraction à -0,5%, soit une baisse de 1,3 point, reflétant un recul de la consommation durable, souvent considérée comme un indicateur avancé de la confiance des ménages.
La contribution des produits alimentaires à l'inflation globale a diminué de 0,8 point, ce qui illustre à quel point la stabilité des prix agricoles reste centrale pour le profil inflationniste de la région.
Une fenêtre pour réviser la politique monétaire ?
Cette séquence prolongée de faible inflation pourrait alimenter les spéculations sur une possible inflexion de la politique monétaire de la BCEAO. Alors que la Banque centrale a été prudente jusqu'ici, maintenant ses taux directeurs dans une logique de stabilité, les conditions semblent désormais réunies pour envisager un assouplissement ciblé, notamment pour soutenir l'investissement productif et les crédits au secteur privé.
Cependant, le cas malien rappelle que la vigilance doit rester de mise. Une politique monétaire trop accommodante pourrait entraîner une résurgence des tensions inflationnistes, surtout si les prix internationaux de l'énergie repartent à la hausse.
Des risques structurels à surveiller
Malgré ce contexte favorable, des vulnérabilités structurelles persistent. Elles concernent l'inefficience des circuits de distribution agricoles, qui limite les effets des bonnes récoltes sur les prix à la consommation.
On note aussi la faible productivité du secteur informel, qui freine la transmission de la stabilité des prix à la création d'emplois.
Et enfin, la faiblesse de la protection sociale, qui accentue la vulnérabilité des populations en cas de retournement des prix (notamment sur les denrées importées).
L'inflation maîtrisée dans la zone UEMOA est le fruit d'une conjoncture agricole favorable et d'un environnement monétaire discipliné. Mais cette désinflation prolongée interroge aussi. Est-elle le signe d'une économie plus résiliente ou d'une demande en perte de vitesse ?
Dr Ange Ponou
Publié le 04/07/25 15:58
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