UMOA : Les investisseurs imposent leur loi, certains émetteurs sous pression

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Depuis le début de l'année 2025, le marché des titres publics de l'UEMOA affiche une dynamique soutenue. Au 22 août, les huit États membres ont déjà mobilisé environ 8 600 milliards FCFA, soit 94 % du volume levé sur l'ensemble de l'année 2024. Si cette intensité traduit un besoin accru de financement pour soutenir les politiques publiques, elle est également un résultat de la stratégie de certains émetteurs qui privilégient désormais les financements en devises locales et de la capacité du marché à absorber des volumes plus importants.  

Cependant, cette abondance de financement se paie désormais au prix fort pour certains états : les investisseurs, conscients des risques macroéconomiques et sécuritaires, réclament des primes de risque plus élevées. Le marché intègre finement les spécificités de chaque émetteur, accentuant les écarts de rendement au sein de la zone.

Même si la situation des banques s'est assouplie par rapport à 2024, les établissements gardent en mémoire la période de fortes tensions monétaires, ce qui freine la diminution des taux.

  • Un marché où le coût de la dette s'envole

La dette domestique occupe une part de plus en plus importante dans la structure de financement des États de l'UEMOA. Mais cette orientation a un revers : le prix de l'argent augmente fortement, avec des rendements qui ont atteint des niveaux records depuis le début de l'année. Seuls le Bénin et la Côte d'Ivoire échappent encore à cette tendance grâce une confiance maintenue des investisseurs.

  • Le Niger paie le prix fort

Le Niger illustre parfaitement la sélectivité accrue des investisseurs. Confronté à une situation sécuritaire et économique complexe, le pays doit consentir des rendements très élevés pour attirer les capitaux. Le 18 août, le Trésor nigérien a franchi un seuil symbolique avec un taux de 11,07 % sur une maturité de 12 mois, le plus haut niveau observé sur le marché.

Même si le deuxième trimestre avait montré un léger répit, avec une baisse du rendement moyen pondéré à 9,5 % sur 3 ans contre 10,07 % au premier trimestre, ce nouveau pic témoigne de l'ancrage durable de la perception de risque.

La Guinée-Bissau, bien que relativement stable politiquement, subit la rigueur des investisseurs. Son ratio d'endettement, estimé à 81 % du PIB en 2024, fragilise sa signature. Sur les obligations à 3 ans, le rendement a progressé de 10,11 % au premier trimestre à 10,22 % au deuxième, signe que les marges budgétaires étroites pèsent sur la confiance des prêteurs.

  • Burkina Faso et Mali : deux trajectoires opposées

Le Burkina Faso parvient à contenir partiellement la hausse du coût de sa dette. Les rendements oscillent entre 7,18 % et 9,80 %, mais les maturités les plus exigeantes restent autour de 8 %. Cette résilience témoigne d'une gestion plus disciplinée des adjudications.

Le Mali, en revanche, peine à stabiliser sa courbe de taux. Malgré une accalmie au fil du premier semestre, avec des rendements moyens qui ont progressivement replié autour de 8 %, sa dernière émission de 3 ans a bondi à 9,21 %, confirmant une perception de risque persistante.

  • Bénin, Côte d'Ivoire, Sénégal et Togo : les mieux notés du marché

Le Bénin, la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Togo figurent parmi les émetteurs les mieux notés du marché, bénéficiant ainsi de conditions de financement relativement favorables. Le Bénin se distingue comme la meilleure signature de la zone, avec des rendements contenus dans une fourchette allant de 5,57 % à 7,29 %. La Côte d'Ivoire parvient à conserver la confiance des investisseurs, ses taux se situant entre 5,00 % et 7,71 %, un léger écart avec le Bénin qui s'explique par la différence au niveau des montants mobilisés.

Le Sénégal, bien qu'il fasse partie des pays les plus endettés de l'Union (119% selon Barclays), parvient pour l'heure à maintenir ses rendements dans une marge maîtrisée, comprise entre 6,70 % et 7,97 %. Le Togo, enfin, occupe une position intermédiaire, avec des taux oscillant entre 5,85 % et 8,15 % selon les maturités.

Cette configuration met en évidence la prime accordée aux signatures perçues comme les plus solides, tout en soulignant l'écart qui se creuse progressivement entre les économies les plus robustes et celles davantage fragilisées par les tensions sécuritaires et les contraintes budgétaires.

En somme, le marché des titres publics de l'UEMOA révèle une tension croissante entre les besoins massifs de financement des États et les exigences accrues des investisseurs. Si les signatures les plus solides, comme le Bénin, la Côte d'Ivoire ou le Sénégal, parviennent encore à préserver des conditions relativement favorables, d'autres pays plus fragilisés, tels que le Niger, le Mali ou la Guinée-Bissau, subissent une forte prime de risque. Dans un contexte marqué par des défis sécuritaires et budgétaires persistants, les rendements devraient rester élevés à court terme, accentuant la pression sur les finances publiques et rendant indispensable le renforcement de la crédibilité financière des États pour contenir le coût de leur dette.

Sékou Karamoko

La Rédaction

Publié le 29/08/25 08:04

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