Babacar DIAGNE, président du Conseil des Entreprises du Sénégal

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" Le succès du plan de relance économique du Sénégal passe par une promotion des micros, petites et moyennes entreprises "

 Babacar DIAGNE, président du Conseil des entreprises du Sénégal (CDES)

 

L'entreprenariat dans l'âme, Babacar Diagne dirige le Conseil des Entreprises du Sénégal (CDES), une organisation patronale regroupant 25 600 membres. Il analyse les impacts causés par la Covid-19 sur l'économie sénégalaises, la stratégie de riposte mise en place par le gouvernement sénégalais. Il se dit, toutefois, convaincu que la réussite du Plan d'actions prioritaires ajusté et accéléré (PAP 2A) mis en oeuvre par le gouvernement pour la relance économique passe nécessairement par un soutien au x micros, petites et moyennes entreprises.

 

Un an après l'apparition du virus au Sénégal, quelle analyse vous faites de l'impact de cette pandémie sur les PME et TPME au Sénégal ?

En 2019, notre pays a connu une élection présidentielle. Cette année électorale a rendu morose l'économie sénégalaise. Beaucoup d'activités étaient à l'arrêt. On espérait retrouver une situation plus reluisante avec une croissance projetée à 6,8% en 2020. A notre grande surprise, la pandémie de Covid-19 est venue tout bouleverser avec son lot de conséquences. La crise sanitaire a impacté négativement l'environnement des affaires, les Très, petites et moyennes entreprises (TPME) qui se trouvaient déjà dans une situation précaire. La Covid-19 a aussi crée des distorsions socioéconomiques. Celles-ci ont poussé à accroitre le nombre de demandeurs d'emplois qui a augmenté de 30%, les entreprises fermées tournent autour de 40%. Malgré que l'Etat a mis en place des moyens importants pour accompagner les PME et TPME pour faire face à la crise à travers le Programme de résilience économique et social (PRES), le problème reste toujours entier. On a besoin de nouveaux appuis pour relever les défis socioéconomiques.

Quels sont les secteurs ou branches qui ont fait plus preuve de résilience face à la crise sanitaire ?

effectivement, il y a eu des secteurs qui ont tiré leur épingle du jeu dans cette crise. Il s'agit surtout l'industrie pharmaceutique, le petit commerce de masque et de produits gel alcoolique. La Covid a pu créer de nouveaux métiers. Ceux qui étaient dans le secteur informel se sont transformés en petits industriels. Cela a crée de nouveaux business. Les entreprises opérant dans le domaine numérique ont été aussi très résilientes. Il y a également des unités économiques qui font dans la transformation de produits locaux, car à un certain moment on ne pouvait plus faire des importations. Ceci a permis à ces entreprises d'avoir de plus grandes parts de marché. Cependant, si vous prenez les autres secteurs comme celui des BTP, la construction, l'import-export, ils ont été impactés gravement. Dans un cadre général, les recettes de l'Etat ont été affectées.

En tant que dirigeant du CDES, est-ce possible de quantifier les conséquences en termes de pertes de chiffre d'affaires, de baisse du nombre d'emplois ?

Je ne pense pas pouvoir faire une analyse scientifique basée sur des données officielles. Il n'existe pas d'études sur l'impact de la Covid sur les secteurs économiques. Les institutions statistiques ne fournissent pas d'informations sur les pertes d'emplois et sur les chiffres d'affaires. C'est un problème que nous déplorons. Approximativement, nous évaluons les pertes d'emplois et de chiffres d'affaires plus de 50%. Je connais beaucoup d'entreprise qui ont mis la clé sous paillasson faute de marchés et de financements. Il s'agit notamment des entreprises du tourisme et de l'hôtellerie qui ne peuvent plus fonctionner à plein régime. Cela montre que le mal est trop profond. Ne disposant pas suffisamment de données, il est difficile de mesurer les impacts réels dus à la Covid. L'Etat a besoin de mettre en place des organes qui vont informer les Sénégalais sur des données nous permettant de faire des analyses beaucoup plus pertinentes et analytiques.

Comment vous appréciez les différentes mesures qui ont été prises par l'Etat du Sénégal en faveur des entreprises pendant la crise ?

Nous saluons les différentes mesures qui ont été prises par le gouvernement au profit des entreprises pour faire face à la crise. Il y a eu un fonds 200 milliards de en faveur des PME, TPME et grandes entreprises. Ce qui pose problème, c'est la faisabilité et l'accès à ces financements. Nous sommes dans un pays où 98,5% des entreprises sont informels et non structurés. Quand vous mettez de tels fonds où on vous exige des conditionnalités comme les trois dernier bilans financiers certifiés, cela ne facilite pas l'accès aux financements. C'est un arsenal de documents que les entreprises ne pouvaient pas fournir. Par conséquent, nous sommes dans une phase de décaissement de 25 à 28%. Ce qui pose un grand problème. L'autre souci, c'est le but de cette ligne de crédit. Les fonds devaient être destinés à supporter les budgets de fonctionnement des entreprises. Alors que les entreprises ne sont pas intéressées à faire des dettes pour des charges de fonctionnement. Si une entreprise s'endette c'est pour réaliser des investissements. Il se pose ainsi un problème de logique économique et financière. Il fallait régler le problème de la structuration et de la formalisation des micro, petites et moyenne entreprise afin qu'elles puissent bénéficier des opportunités de financement.

Quel est votre avis sur le PAP 2A pour la relance économique ?

Nous saluons le PAP 2A. mais il faut régler la question de la formalisation des entreprises. Le CDES a mis en place un centre de gestion agréé et digital. C'est un guichet unique qui permettra de formaliser les entreprises et de mettre à niveau les micros, petites et moyennes entreprises. C'est une initiative qui offre la possibilité d'accompagner les unités économiques pour l'obtention de financements dans le cadre de la relance de l'économie. Ces fonds doivent être adaptés à l'environnement des affaires qui est caractérisé et dominé par l'informel. Ce que nous voyons souvent, c'est que les fonds mis en place par l'Etat profitent plus aux grandes entreprises qui ont déjà leur politique de développement. Alors qu'il existe des petites entreprises qui ont besoin d'accompagnement. Elles sont souvent laissées en rade. Ceci pose un problème de croissance inclusive. Pour émerger, il faut de la base. Et la base c'est les milliers de petites entreprises. Le PAP 2A est une bonne idée, mais il doit être accompagné par une politique de bonne gouvernance privée.

Les TPME et les PME ont-elles été bien prises en compte dans ce plan de relance

C'est le revers de la médaille. Les TPME et les PME ne peuvent pas bénéficier de ces financements. Cela du fait que plus de 90% de ces unités économiques ne sont pas formalisés, ni structurés. Elles ne peuvent pas produire des états financiers certifiés. Ce qui signifie qu'elles sont écartées d'office dans les fonds qui ont été mis en place dans le cadre du fonds force-Covid (plan de riposte contre les effets de la Covid-19). Les petites entreprises ne pouvaient pas être éligibles à ces financements. Le succès du plan de relance économique passe nécessairement par une promotion des micros, petites et moyennes entreprises.

Quels leviers faudrait-il privilégier pour réussir la reprise l'activité économique ?

Je pense qu'il y a trois leviers sur lesquels l'Etat peut s'appuyer pour assurer la relance économique post-Covid. Le premier, c'est la formalisation qui passe par la promotion des centres de gestion agrées, des leviers non financiers (accompagnement et mise à niveau) permettant aux entreprises de pouvoir se structurer. Le second levier est l'accès aux financements. Enfin, le troisième est l'accès aux marchés de l'Etat en bénéficiant de la sous-traitante. Si ces trois leviers sont mis en place de manière inclusive et efficiente, cela permettrait une bonne relance des activités économiques au Sénégal. 

Le Sénégal s'est doté d'un nouveau cadre juridique des PPP. Quels commentaires vous faite sur ces réformes ?

Je salue l'adoption de cette nouvelle loi sur les PPP qui permettra de réparer à certaines injustices. Toutefois, la nouvelle loi a manqué d'audace étant donné qu'il y a toujours la mention d'entreprise de droit sénégalais. Et cela pose problème. Il fallait plutôt dire des entreprises à majorité de capitaux sénégalais qui peuvent bénéficier de 40% des projets de PPP. Il faut aussi que les fonds comme le Fonds Souverain d'Investissements Stratégiques (FONSIS) soient exclusivement réservés aux nationaux sénégalais. Je ne comprends pas que le Fonsis aille financer des projets initiés par des étrangers. Les autres institutions financières comme la Banque nationale de développement économique (BNDE) doivent jouer leur partition. C'est bien de mettre des taux d'actionnariat à 40% dans les PPP, mais si le secteur privé n'a pas les moyens de sa politique, le problème reste entier. Il faut qu'il ait un fonds d'accompagnement au privé pour participer aux projets de PPP. Les nationaux doivent être impérativement privilégiés pour tirer profit des PPP.

Propos recueillis par Ibrahim WANE, Dakar

La Rédaction

Publié le 31/03/21 07:43

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