Face à l'érosion progressive des réserves de change de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale), les chefs d'États ont, au cours de leur réunion extraordinaire qui s'est tenue ce 16 décembre à Yaoundé, décidé de mettre davantage la pression sur les compagnies minières et pétrolières qui opèrent dans la région. Le cadre règlementraire sur le change en place depuis 2018 contraint tous les opérateurs économiques qui exportent des biens et services, de rapatrier une partie de leurs revenus dans la région. L'application de ce dispositif s'est longtemps heurtée aux réticences des sociétés extractives, qui, appuyés par des lobbies internationaux refusent de s'y conformer.
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Tout en réaffirmant "l'application intégrale de la Réglementation des Changes, notamment à travers le rapatriement diligent des devises par les Opérateurs économiques", les dirigeants des pays membres de la CEMAC, ont insisté sur un volet en particulier, celui de la domiciliation à la banque centrale des fonds dédiés à la restauration des sites (Fonds RES) par les entreprises extractives. Il s'agit des provisions ou dotations financières que ces sociétés sont contractuellement tenues de constituer chaque année pour garantir l'exécution de leur obligation de la remise en état des sites à la fin de l'exploitation ou en cas d'abandon. À cet effet, renseigne le communiqué final de la réunion, les chefs d'États ont exigé que soient signés avec les compagnies, avant le 30 avril 2024, des conventions de comptes séquestres devant abriter ces fonds.
Une manne financière estimée à 6 000 milliards FCFA
Une étude réalisée en 2023 par la Direction des études de la recherche et des statistiques de la BEAC estime que les fonds RES pourraient générer jusqu'à 6 000 milliards FCFA (9,6 milliards $) au pays de la CEMAC. Un chiffre qui est appelé à croître au fil du temps avec la délivrance de nouveaux permis d'exploitation miniers et pétroliers dans la région. L'étude révèle que la majeure partie de ces devises (généralement en Dollars US) est logée dans des comptes offshores (hors de la zone CEMAC) du fait des stipulations contractuelles qui prévoient en général leur domiciliation dans des banques internationales notées au moins "AA" et choisies d'un commun accord avec l'État concerné. Une autre partie est logée dans les banques commerciales de la région.
Il faut dire que l'obligation de centraliser ces avoirs à la Banque centrale est contenue dans une instruction du gouverneur de la BEAC signée le 20 juillet 2022. Le texte donne 3 ans aux compagnies pour se conformer, mais de bonnes sources, ces dernières traînent toujours le pas. Au-delà de la simple volonté de capter davantage des ressources en devises, l'instruction confère également à la Banque centrale, un droit de regard sur le respect du cahier des charges, car il a été constaté que de nombreuses compagnies après exploitation, abandonnent les sites causant de nombreux dégâts humains et environnementaux. Au Cameroun par exemple, l'ONG FODER a recensé plus de 157 décès sur les sites miniers abandonnés dans les régions de l'Est et de l'Adamaoua entre 2013 et 2021.
Un bon coussin de sécurité pour les réserves de changes
S'ils parviennent à capter cette manne financière, les pays de la CEMAC disposeraient d'un bon coussin de sécurité pour la stabilisation et la consolidation de leurs réserves de changes. Gérés par la BEAC, le niveau de ces avoirs constitué de devises, de l'or et des DTS (Droits de tirage spéciaux) permet pour l'instant d'assurer les importations de biens et services dans la région pendant 4,6 mois. Mais à la longue, il est appelé à se détériorer puisque les devises de la région sont essentiellement générées par les exportations d'hydrocarbures dont les perspectives des cours à l'international s'annoncent défavorables. Les Chefs d'États estiment que le niveau des réserves actuel est appelé à se détériorer pour se situer à environ 3 mois d'importations dans les cinq prochaines années menaçant la stabilité extérieure et la valeur du Franc CFA.
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Selon la BEAC, les fonds RES sont une garantie constituée pour une très longue durée, la durée de permis d'exploitation, en général entre 20 et 30 ans minimum. Ce qui signifie qu'ils peuvent également être utilisés pour le financement des projets dans la CEMAC. "Les États de la CEMAC, aidés et conseillés par la BEAC pourront négocier avec les opérateurs pétroliers et miniers, les conditions de rémunération, de sécurité et de disponibilité dans lesquelles les Fonds RES pourront être mobilisés pour financer des projets intégrateurs de développement structurant et rentables, tout en garantissant que leur finalité initiale et finale de couverture de l'exécution de l'obligation de remise en état des sites sera toujours sauvegardée", suggèrent les experts de la Banque centrale.
Gage de la stabilité monétaire
Le niveau des réserves extérieures est essentiel pour préserver la stabilité du Franc CFA, la monnaie commune aux 6 pays de la région. En effet, en contrepartie de la garantie de la convertibilité illimitée que leur accorde la France dans le cadre des accords monétaires, les États de la CEMAC sont tenus de centraliser une partie de leurs avoirs extérieurs au Trésor français dans le compte dit d'opérations. Toutefois, Paris ne garantit cette convertibilité que lorsque le taux de couverture de la monnaie se situe au-dessus de 20% équivalent à trois mois d'importations de biens et services. En 1994, la CEMAC se situait en dessous de ce seuil, ce qui a conduit à un réajustement de la parité monétaire mieux connu sou le nom de dévaluation. En 2016, avec la baisse des cours des hydrocarbures, les pays ont vu leurs réserves fondre comme du beurre au soleil, laissant planer à nouveau le risque de dévaluation monétaire. Cette option a été évitée de justesse, les parties prenantes ayant préféré des mesures d'ajustement fiscal et budgétaire afin d'influer sur le niveau des recettes d'exportation.
Voir aussi : Grâce au compte d'opérations logé au Trésor français, la BEAC a engrangé plus de revenus que la BCEAO en 2023
C'est donc pour prévenir ce scénario, qui serait catastrophique pour les économies de la CEMAC, que les chefs d'États sont décidés à faire respecter l'exigence de rapatriement des fonds RES. Toutefois, sur le long terme, les pays de la CEMAC doivent s'inscrire dans la logique de réduire leur dépendance aux matières premières en boostant la production intérieure. Cela permettrait d'une part de réduire les importations, et donc l'utilisation des devises, et d'autre part de diversifier les sources d'exportations.
La Rédaction
Publié le 17/12/24 15:38
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