COURS | GRAPHIQUES | ACTUS | ANALYSE ET CONSEILS | HISTORIQUES | FORUM |
Le cabinet conseil à l'investissement AFRIKA FORWARD, dont le siège est basé à Abidjan, publie sur notre site web des notes à l'attention des investisseurs, relatives à certains secteurs porteurs. Ces notes sont une synthèse des critères majeurs macro et microéconomiques entrant dans le processus de prise de décision à l'investissement.
Plus d'informations au +225 27 20 23 05 21 et sur www.afrikaforward.com "
1. Contexte de l'engrais organique en Côte d'Ivoire
La Côte d'Ivoire est un pays en développement avec une population croissante et une économie agricole dynamique. Le secteur de l'agriculture est l'un des principaux moteurs de l'économie ivoirienne, représentant environ 25 % du PIB et 60 % des recettes d'exportations[1]. Toutefois, le secteur agricole ivoirien fait face à des défis majeurs tels que la dégradation des sols, la perte de biodiversité et l'utilisation excessive d'engrais chimiques, source de pollution et de risques pour la santé et l'environnement.
Ainsi, les engrais organiques issus de matières organiques telles que les déchets agricoles offrent une alternative durable aux engrais chimiques. Ce sont des substances naturelles riches en nutriments qui améliorent la fertilité du sol tout en minimisant les effets néfastes sur l'écosystème.
La production d'engrais organiques en Côte d'Ivoire, bien que relativement récente, a connu une croissance rapide depuis les années 2000 avec l'installation des premières unités de production.
Zone d'approvisionnement
La Côte d'Ivoire dispose d'une variété de matières premières pour la production d'engrais organiques, notamment les déchets agricoles : résidus de culture (cacao, café, riz, maïs, etc.), déchets de fruits et légumes et aussi le fumier.
Ajoutons à cela la présence de certaines industries agro-alimentaires qui produisent des déchets pouvant être utilisés pour la production d'engrais organiques. Les principaux déchets industriels pouvant être utilisés pour la production d'engrais organiques sont les boues d'épuration[2], les déchets de transformation des aliments, les déchets de transformation des produits forestiers, etc.
Le pays possède une abondance de matières premières, en particulier dans les régions agricoles clés telles que le Centre, le Sud et l'Ouest.
Transformation
La transformation des déchets en fertilisant est un processus qui peut être réalisé de différentes manières : la fermentation, la méthanisation, le vermicompostage, la pyrolyse:
- La fermentation est le processus le plus couramment utilisé pour la production d'engrais organiques en Côte d'Ivoire. C'est un processus biologique qui convertit les matières organiques en compost. Le compost est un engrais naturel riche en nutriments et qui améliore la qualité des sols et la santé des cultures ;
- La méthanisation est un processus de décomposition de matières pourrissables (putrescibles) par des bactéries qui agissent en l'absence d'air. On nomme ce processus de décomposition " fermentation anaérobie ". Ce procédé permet de générer une énergie renouvelable, du biogaz qui comporte entre autres du méthane, ainsi que du compost ;
- Le vermicompostage est une méthode de compostage qui utilise des vers pour décomposer les matières organiques en un compost riche et fertile. Ce processus est particulièrement efficace pour transformer les déchets de cuisine et les matières organiques en un amendement de sol de haute qualité ;
- La pyrolyse est un processus de chauffage des déchets agricoles à haute température en l'absence d'oxygène pour produire du biochar, un charbon organique stable qui peut être utilisé comme amendement du sol pour améliorer sa structure et sa fertilité.
Le processus de transformation des déchets en engrais organiques implique la collecte, la décomposition et la transformation des matières organiques en produits fertiles.
1. Marché mondial
Le marché mondial des engrais est un marché en croissance et devrait atteindre une valeur estimée à 543,2 milliards USD d'ici 2030, contre 387,37 milliards USD en 2024 et 157,14 milliards USD en 2021[3]. Cette croissance est principalement due à l'augmentation de la production agricole, elle-même liée à la hausse de la demande alimentaire mondiale.
Marché des engrais chimiques
Les engrais chimiques sont des engrais fabriqués à partir de produits chimiques. Ils sont généralement constitués d'un ou plusieurs des éléments nutritifs suivants :
- L'azote (N) est un élément essentiel à la croissance des plantes. Il est nécessaire à la production de protéines et de chlorophylle ;
- Le phosphore (P205) est également essentiel à la croissance des plantes. Il est nécessaire à la formation des racines, des fleurs et des fruits ;
- Le potassium (K20) est un élément important pour la santé des plantes. Il est nécessaire à la régulation de la transpiration et à la résistance des plantes aux maladies.
Selon l'Organisation des Nations Unis pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), en 2022, la production mondiale d'engrais chimique s'est élevée à 207 millions de tonnes. Les principaux pays producteurs étaient la Chine (21%), la Russie (11 %), l'Inde (10%), les Etats-Unis d'Amérique (9%) et le Canada (8%).
Graphique 1 : Evolution de la production mondiale d'engrais chimique de 2010 à 2022 (en millions de tonnes)
La production mondiale d'engrais chimiques a connu une croissance stable et modérée entre 2010 et 2012, passant de 186 millions de tonnes à 189 millions de tonnes. À partir de 2013, cette croissance s'est accélérée.
En 2015, la production a atteint 209 millions de tonnes, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2012. Cependant, en 2016, elle a enregistré une légère baisse de 1,7 %.
Entre 2016 et 2018, la production mondiale d'engrais est restée relativement stable, avec une production moyenne de 207 millions de tonnes. En 2019, une nouvelle hausse a été observée, suivie d'une stabilisation autour de 212 millions de tonnes jusqu'en 2021.
En 2022, la production mondiale d'engrais a chuté de 3 %, principalement en raison de la crise russo-ukrainienne.
Sur l'ensemble de la période de 2010 à 2022, la production d'engrais chimiques a enregistré une croissance annuelle moyenne d'environ 1 %, passant de 186 millions de tonnes en 2010 à 213 millions de tonnes en 2022.
L'augmentation significative de 25,6 % de la production entre 2014 et 2015 s'explique par une baisse d'environ 15 % du coût des intrants nécessaires à la fabrication des engrais chimiques, ce qui a stimulé la demande grâce à un prix d'achat plus attractif.
En 2022, les principaux importateurs mondiaux d'engrais chimiques étaient le Brésil (17,9 % des importations mondiales), l'Inde (12,37 %), les États-Unis (11,44 %) et la Chine (5,3 %).
Marché des engrais organiques
Le marché mondial des engrais organiques est en croissance, porté par plusieurs facteurs, notamment la demande croissante de produits alimentaires biologiques, la prise de conscience accrue des problèmes liés à l'utilisation d'engrais chimiques et les réglementations environnementales de plus en plus strictes concernant la gestion des déchets agricoles.
Les engrais organiques contiennent une variété d'éléments nutritifs, dont l'azote, le phosphore, le potassium, ainsi que d'autres nutriments secondaires et oligo-éléments[4].
Les engrais organiques sont disponibles sous différentes formes, notamment :
- Le fumier, fabriqué à partir des excréments d'animaux ;
- Le compost, fabriqué à partir de matières organiques décomposées ;
- Les algues, riches en azote (N) et en phosphore (P205) ;
- Les résidus végétaux qui peuvent être utilisés pour fabriquer du compost ou être appliqués directement sur le sol.
Graphique 2 : Evolution des importations mondiales d'engrais organiques de 2015 à 2023
Selon les données statistiques sur le commerce international de Trade Map, les importations mondiales d'engrais organiques ont connu une croissance de 40 % de 2010 à 2023 et une croissance moyenne de 6% par an sur cette période malgré une importante baisse de 21,3% enregistrée sur la période 2015-2016.
Les importations sont passées de 2,5 millions de tonnes en 2010 à 3,5 millions de tonnes en 2023.
Graphique 3 : Principaux importateurs mondiaux d'engrais organiques en 2023 (en tonnes)
En 2023, la demande mondiale d'engrais organiques était portée par la France (24,8% des importations mondiales), le Vietnam (14,1%), la Belgique (12,1%), et la Pologne (6,3%).
Tandis que l'offre mondiale d'engrais organique était portée par la Belgique (28,5% des exportations mondiales), les Pays-Bas (26,3 %), les Etats-Unis d'Amérique (16%) et le Japon (6%).
3. Règlementation et mesures gouvernementales
Le cadre réglementaire actuel lié à la production d'engrais en Côte d'Ivoire, spécifiquement le règlement C/REG.13/12/12 de la CEDEAO sur le contrôle de qualité des engrais, n'est pas encore entièrement adapté à la production d'engrais organiques.
Ce règlement a pour objectif d'assurer la qualité et la sécurité des engrais à travers trois mesures principales :
- Agrément des fabricants et importateurs
Toute entreprise souhaitant produire ou importer des engrais en Côte d'Ivoire doit obtenir un agrément délivré par le ministère de l'Agriculture. Cet agrément est octroyé après une vérification des capacités techniques et financières de l'entreprise.
- Contrôle de la qualité
Tous les engrais, qu'ils soient importés ou produits localement, doivent subir un contrôle qualité avant leur mise sur le marché. Ce contrôle est réalisé par un laboratoire agréé par l'État pour garantir leur conformité aux normes.
- Étiquetage
Les engrais commercialisés doivent porter une étiquette conforme aux normes en vigueur. Celle-ci doit préciser la composition de l'engrais, la teneur en éléments nutritifs, ainsi que les conditions d'utilisation appropriées.
Ces dispositions visent à protéger les agriculteurs et les consommateurs contre les produits de mauvaise qualité ou dangereux, tout en contribuant à la durabilité de l'agriculture ivoirienne.
Toutefois, la loi n° 2015-537 du 20 juillet 2015 d'orientation agricole de Côte d'Ivoire énonce des principes généraux, notamment le chapitre 4 de la loi qui s'articule autour de tous les intrants et équipements agricoles.
Le cadre réglementaire doit encore être ajusté pour inclure des procédures d'agrément, d'homologation, ainsi que des normes de qualité et des spécifications adaptées aux engrais organiques.
Il existe différentes structures nationales et internationales qui interviennent en appui au secteur. Parmi les principales structures, l'on peut citer :
- le Fonds Interprofessionnel pour la Recherche et le Conseil Agricoles (FIRCA), organisation professionnelle, chargée de financer les programmes de recherche appliquée, de conseil agricole, de formation aux métiers et de renforcement des capacités des organisations agricoles et forestières ;
- le Centre National de Recherche Agronomique (CNRA), société ayant pour vocation de mener des programmes de recherche dans les domaines agricoles et agro-industriels, et d'en diffuser les résultats ;
- le Mécanisme Africain de Financement du Développement des Engrais (MAFDE) est un fonds spécial hébergé par la Banque Africaine de Développement (BAD) qui a été créé dans le but d'améliorer la productivité agricole à travers une amélioration de l'utilisation des engrais en Afrique ;
- l'International Fertilizer Development Center (IFDC) est une organisation indépendante à but non lucratif qui combine recherche innovante, développement de systèmes de marché et partenariats stratégiques pour diffuser des solutions agricoles durables visant à améliorer la santé des sols, la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance dans le monde entier.
4. Contraintes
- La réglementation actuelle relative aux engrais n'est pas spécifiquement adaptée aux producteurs d'engrais organiques, ce qui peut rendre difficile à ces derniers de s'y conformer ;
- L'absence de technologies locales appropriées et d'expertise technique pour produire des engrais organiques ;
- La Côte d'Ivoire consomme en moyenne 50 kg/ha d'engrais contre 100 à 200 kg/ha pour les pays occidentaux et asiatiques ;
- La nécessité de sensibiliser les agriculteurs sur les avantages des engrais organiques et de les former aux meilleures pratiques d'utilisation ;
- La concurrence avec les engrais conventionnels constitue un défi, les agriculteurs ne sont pas encore largement sensibilisés aux avantages des engrais organiques et aux conséquences de l'utilisation abusive des engrais chimiques ;
- La conformité aux normes internationales de qualité biologique peut être nécessaire pour accéder au marché international.
5. Opportunités
- La Côte d'Ivoire est un important pays agricole dont les déchets peuvent servir de matières premières à la production d'engrais organiques ;
- La disponibilité de matières premières biologiques localement peut réduire les coûts de production de l'engrais organique ;
- L'intensification de la sensibilisation à l'importance de l'agriculture durable peut créer une demande croissante pour les engrais organiques ;
- La Côte d'Ivoire, étant située dans une région agricole importante, peut servir de plaque tournante pour approvisionner les pays voisins en engrais organiques ;
- Avec la prise de conscience accrue des consommateurs pour des produits plus sains et respectueux de l'environnement, notamment en Europe et en Amérique du Nord, la demande pour des produits alimentaires biologiques est en forte croissance, ce qui stimule la demande pour des engrais organiques ;
- L'activité de production d'engrais organiques est éligible au code des investissements, qui accorde des exonérations fiscales et douanières aux opérateurs du secteur.
6. Analyse SWOT
7. Conclusion et Recommandations
La Côte d'Ivoire est leader dans la production de plusieurs produits agricoles :
- Le cacao avec 2,2 millions de tonnes depuis 2019, soit 40 % de la production mondiale ;
- La noix de cajou avec 1 million de tonnes depuis 2022, ce qui la place au premier rang mondial ;
- L'hévéa avec 1,2 million de tonnes en 2022, ce qui la place au premier rang africain et au troisième rang mondial des producteurs.
La Côte d'Ivoire est également un important producteur et exportateur de noix de cola, de banane dessert, d'ananas, de coton, d'huile de palme, et bien d'autres matières agricoles.
Toutefois, il est à noter que les rendements agricoles de la Côte d'Ivoire sont inférieurs à ceux d'autres nations leaders dans la production agricole[5] :
- 0,6 à 1 tonne par hectare de cacao contre 2 tonnes par hectare en Thaïlande ;
- 7 tonnes par hectare d'huile de palme contre 20 tonnes par hectare en Colombie ;
- 1,5 tonne par hectare de riz contre 10 tonnes par hectare en Australie ;
- 0,5 tonne par hectare d'anacarde contre 7,55 tonnes aux Philippines, etc.
Cette situation s'explique par la faible utilisation d'engrais et de fertilisants, ainsi que par le non-respect des itinéraires techniques[6].
Notons que la production agricole en Côte d'Ivoire est principalement assurée par de petites exploitations familiales ou des exploitants individuels qui n'ont souvent pas suffisamment de ressources financières pour se procurer des fertilisants et des engrais. Il existe également un déficit de sensibilisation et de formation des agriculteurs sur les avantages et les modalités d'utilisation des engrais.
De plus, le secteur des engrais organiques présente un potentiel prometteur pour répondre aux défis environnementaux et agricoles auxquels le monde est confronté. La croissance rapide de la production d'engrais organiques dans le monde depuis les années 2000 témoigne de l'intérêt croissant pour des alternatives durables aux engrais chimiques.
Les avantages potentiels des engrais organiques, tels que l'amélioration de la fertilité du sol, la réduction de la dépendance aux engrais chimiques et la promotion d'une agriculture respectueuse de l'environnement, font de ce secteur une opportunité stratégique pour le développement agricole durable en Côte d'Ivoire et dans le monde.
Cependant, plusieurs défis persistent, notamment l'absence d'un cadre réglementaire spécifique aux engrais organiques, la nécessité de conformité aux normes internationales pour accéder aux marchés mondiaux et la concurrence avec les engrais chimiques conventionnels largement utilisés.
En conclusion, investir dans la production d'engrais organiques en Côte d'Ivoire est une opportunité stratégique pour améliorer les rendements agricoles tout en répondant aux exigences environnementales croissantes. Cette transition pourrait rendre les engrais plus accessibles aux petits exploitants, tout en réduisant la dépendance aux produits chimiques coûteux. Cependant, des efforts seront nécessaires pour renforcer la réglementation, la formation des agriculteurs et la compétitivité face aux engrais conventionnels.
Notre Score : 6,1/10
[1] Discours de S.E.M Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d'Ivoire devant le Parlement réuni en Congrès le mardi 18 juin 2024.
[2] Les boues sont le principal déchet produit par une station d'épuration, ces boues contiennent à la fois des matières minérales et organiques.
[3] Analyse de la taille et de la part du marché des engrais – Tendances de croissance et prévisions (2024-2030) source : https://www.mordorintelligence.com/fr/industry-reports/fertilizers-market
[4] Un oligo-élément est un élément chimique présent dans l'organisme en quantité très faible, mais qui est indispensable à son bon fonctionnement. Les oligo-éléments sont généralement des métaux, tels que le fer, le zinc, le cuivre, le manganèse, le sélénium, l'iode, le chrome, le molybdène et le vanadium.
[5] Plan National de Développement (PND) 2021-2025, Diagnostic Stratégique
[6] Combinaison logique et ordonnée des techniques mises en œuvre sur une parcelle agricole en vue d'en obtenir une production optimale
Par Wilfried KONAN, Economiste junior, AFRIKA FORWARD
Voir aussi - Côte d'Ivoire : Investir dans la transformation de la noix de cajou
Voir aussi - Investir dans la transformation de l'hévéa en Côte d'Ivoire
Voir aussi - Investir en Côte d'Ivoire : La transformation du manioc
Voir aussi - Investir en Côte d'Ivoire : La transformation de la mangue
Voir aussi - Investir dans la transformation du cacao en Côte d'Ivoire
Plus d'informations au +225 27 20 23 05 21 et sur www.afrikaforward.com
Communiqué
Publié le 08/10/24 09:15
295,02 0,85%
09/05/2025 Sénégal : 12,4 millions de barils de pétrole produits depuis le début de l’année 2025 par Sangomar
09/05/2025 Un vaste projet ferroviaire de 400 milliards USD dédié au transport du gaz dans 40 pays africains
09/05/2025 RDC : Un prêt de 27 milliards FCFA pour financer un projet hydraulique commun avec la Centrafrique
09/05/2025 Barrage de Manantali : La dette du Mali menace la fourniture régionale d’électricité
09/05/2025 Arise IIP en pole position pour la relance de la Cotonnière industrielle du Cameroun
09/05/2025 RDC : 27 millions de dollars du Japon pour améliorer l’accès à l’électricité
09/05/2025 Cape Town, Caire, Lagos ... Où vivent les centi-millionaires en dollar en Afrique ?
Pour poster un commentaire, merci de vous identifier.