UEMOA : La faible pénétration de la bourse à l’ombre des comptes bancaires

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La BRVM Ouvre dans 15h42min

Alors que la BRVM, Bourse régionale des valeurs mobilières, se positionne comme l'une des rares bourses intégrées au monde, son taux de pénétration dans les économies de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) demeure paradoxalement faible. Comparée aux comptes bancaires et surtout à la montée fulgurante des comptes de mobile money, la BRVM peine à séduire les masses. Décryptage d'un contraste inquiétant pour la mobilisation de l'épargne populaire.

Une bourse sous-régionale, mais encore peu populaire

Créée en 1998 et opérant à partir d'Abidjan, son siège social, la BRVM dessert les huit pays de l'UEMOA. Elle affiche des indicateurs de progression sur le plan institutionnel et technologique. Pourtant, le nombre de comptes-titres ouverts sur cette place boursière reste dérisoire, estimé à environ 300 000 investisseurs actifs, soit environ 0,5°% de la population totale de l'Union, qui avoisine 130 millions d'habitants.

A titre de comparaison, le nombre total des comptes bancaires ouverts dans l'UEMOA s'élevait à 173 millions, dont 54 millions actifs, en 2024, selon les données officielles. Pour les comptes mobiles money, la GSMA recensait 157 millions d'inscriptions dans l'Union, dont environ 60 à 70 millions actifs, soit une pénétration largement supérieure à 50°% dans certains pays comme la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso et le Sénégal. En outre, en 2022, le taux de bancarisation classique dans l'UEMOA était de 24,3°%. En incluant les institutions de microfinance et les comptes mobiles, ce taux atteignait 70,9%.

Ce déséquilibre révèle un décalage structurel entre la sophistication du marché boursier et les usages financiers réels des populations de l'UEMOA. Tandis que le mobile money, porté par des opérateurs privés et une innovation continue, a réussi à démocratiser l'accès aux services financiers, la BRVM reste encore perçue comme une plateforme élitiste, réservée à une minorité d'investisseurs avertis ou institutionnels.

Banque vs Bourse : Une frontière encore floue pour beaucoup

Dans l'imaginaire collectif, l'épargne reste d'abord bancaire ou informelle, rarement orientée vers le placement en actions ou obligations. Les produits cotés à la BRVM, bien que potentiellement attractifs (dividendes, valorisation), souffrent d'un manque de vulgarisation, d'une faible culture financière, et d'une absence de relais grand public comme le mobile ou les agences postales.

Les freins identifiés pour l'investissement en bourse sont entre autres, l'accès physique et administratif. En effet, ouvrir un compte-titres reste un processus plus long et moins accessible que créer un compte mobile money, réalisable en quelques minutes avec une simple pièce d'identité. Il y a la perception du risque comme un frein. Beaucoup associent encore la Bourse à un jeu de hasard, ou à des pertes potentielles, en l'absence d'éducation financière de masse. L'offre peu adaptée : les produits proposés restent standards et peu attractifs pour le petit épargnant (absence de micro-investissements, manque de produits indexés, etc.). Et l'absence d'intégration numérique avec le mobile money : L'épargne mobile n'est pas (encore) connectée aux plateformes boursières, freinant l'inclusion des masses dans les marchés de capitaux.

Une voie possible : intégrer la BRVM au digital populaire

Pour inverser la tendance, plusieurs pistes se dessinent. Il s'agit entre autres, de digitaliser davantage le processus d'investissement, à travers des applications mobiles accessibles en partenariat avec les fintechs et opérateurs télécoms. Ensuite le lancement des campagnes d'éducation financière de masse, ciblant les jeunes, les commerçants et les travailleurs informels. La création des produits de micro-bourse, avec des tickets d'entrée accessibles dès 1 000 ou 5 000 FCFA, calqués sur le modèle du mobile money. Et également, la favorisation des IPO (introduction en bourse) nationales grand public, comme cela a été le cas pour SONATEL dans les années 2 000, qui avait suscité un engouement populaire.

Avantages de l'investissement en bourse

Dans un contexte où l'érosion monétaire grignote silencieusement le pouvoir d'achat, l'investissement n'est plus un luxe, mais une nécessité stratégique. Un simple calcul suffit à le démontrer : un million de FCFA placé sur un compte d'épargne rémunéré à 3,5% mettra plus de vingt ans à doubler. Alors qu'investi dans un actif offrant un rendement moyen de 8%, ce même capital atteindra deux millions en moins de neuf ans. L'écart de performance entre épargne passive et investissement actif est abyssal, et c'est là que le compte-titres entre en scène.

Du capital dormant au capital productif

Contrairement au compte d'épargne, qui se contente de stocker des fonds, le compte-titres permet d'entrer directement au capital des entreprises cotées, captant ainsi leur croissance et leurs dividendes. Sur la BRVM, qui regroupe des champions économiques de l'UEMOA, les opportunités sont bien réelles et parfois spectaculaires.

Prenons l'exemple de FILTISAC : cotée à 1 380 FCFA à la date du 5 novembre 2024, l'action s'est envolée en doublant plus en l'espace d'un peu plus de quatre mois à 3 125 FCFA au 19 mars 2025, soit une plus-value de +126,44%. Cela voudrait dire en réalité qu'un investissement de 1 000 000 FCFA sur le titre FILTISAC à cette date donnée du 5 novembre 2024, gagnerait un bénéfice 1 264 400 FCFA en seulement moins de cinq mois. Un scénario inimaginable sur un simple compte d'épargne qui aurait généré 35 000 FCFA de bénéfice sur une longue période (1 an), en raison d'un taux d'intérêt plafonné à 3,5%.

Un autre exemple édifiant de cette même valeur FILTISAC qui à la date du 7 mai 2025 coûtait 3 225 FCFA, a quasiment doublé en l'espace d'un peu moins d'un mois, atteignant 6 200 FCFA, le 5 juin 2025, soit une plus-value de +92,25% (Graphe 2). Tout ça, pour que l'investissement en bourse offre de réelles opportunités pour faire fructifier son épargne. Investir à la BRVM offre en réalité trois atouts majeurs. 

Il s'agit de l'accessibilité avec la possibilité de commencer avec de petits montants, démocratisant l'investissement, ensuite du potentiel de rentabilité au travers de certaines valeurs affichant des croissances à deux ou trois chiffres, et enfin l'impact local où, en plaçant votre argent dans des entreprises régionales, vous financez directement l'économie ouest-africaine. Au-delà des chiffres, investir via un compte-titres est un acte de prévoyance, un choix visionnaire. C'est protéger son capital contre l'inflation, bâtir une indépendance financière et préparer l'avenir de sa famille. En ce début d'année, alors que l'heure est aux bonnes résolutions, peut-être est-il temps de transformer votre épargne en moteur de croissance. La prochaine success story de la BRVM pourrait bien commencer avec votre premier investissement.

Narcisse Angan

Publié le 01/12/25 16:05

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