Mis sous pression par les critiques, Fitch, Moody’s et S&P ouverts au dialogue avec l’Afrique

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Le 30 avril 2025, à Washington, les principales agences de notation internationales ont tenu une rencontre de travail avec plusieurs institutions africaines. Cette réunion s'est déroulée en marge des Réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale. Elle a été organisée par le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP), en collaboration avec le Programme des nations unis pour le Développement (PNUD), la Commission économique pour l'Afrique (CEA), AfriCatalyst et le centre de réflexion ghanéen ACET.

Moody's, Fitch Ratings, S&P Global Ratings et la Bank of America ont pris part à ces échanges. La rencontre visait à discuter des méthodes d'évaluation du risque souverain appliquées aux économies africaines. Plusieurs responsables africains ont remis en question la pertinence et l'adéquation des critères utilisés, estimant qu'ils pénalisent injustement les États du continent.

Les participants ont souligné que les notations influencent directement les coûts d'emprunt sur les marchés internationaux et l'accès aux capitaux. Une notation jugée excessive ou mal contextualisée peut avoir un impact immédiat sur les finances publiques.

Le cas du Cameroun a été évoqué. En août 2023, Standard & Poor's avait abaissé sa note à la suite d'un léger retard de paiement. Deux jours plus tard, l'agence a revu cette décision, mais l'incident avait provoqué une contestation ouverte sur le manque de flexibilité de certains modèles d'évaluation.

''Il faut sortir de la logique punitive''

Le secrétaire exécutif de la CEA, Claver Gatete, a rappelé que le continent africain, avec un produit intérieur brut combiné supérieur à 3 000 milliards de dollars, ne compte actuellement que deux pays classés dans la catégorie " investment grade ". Il a plaidé pour une réforme des systèmes de notation afin qu'ils intègrent davantage la diversité des profils économiques et les efforts de réforme des pays africains. " Il est temps que les notations reflètent véritablement la diversité des économies africaines. Un écosystème de notation sain ne doit pas seulement évaluer les risques, il doit aussi catalyser la mobilisation des ressources, soutenir la solvabilité et accompagner les ambitions de développement ", a-t-il déclaré.

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Le PNUD représenté par le Dr Raymond Gilpin a proposé une révision des modèles de solvabilité. L'institution recommande l'intégration de paramètres comme la gouvernance, la résilience institutionnelle ou encore les progrès sociaux, en plus des indicateurs macroéconomiques traditionnels. " Il faut sortir d'une logique punitive et accompagner les États dans la construction de trajectoires crédibles de développement ", a-t-il insisté

Face à ces constats, plusieurs voix militent désormais pour la création d'une Agence africaine de notation de crédit (AfCRA), qui viendrait compléter les évaluations internationales par une expertise régionale, mieux ancrée dans les réalités locales. Porté par le MAEP et soutenu par la CEA, le projet a été présenté aux agences internationales. Le Dr Misheck Mutize, expert principal au MAEP, et Dr Zuzana Schwidrowski de la CEA, ont ainsi présenté les grandes lignes de ce projet, conçu comme une réponse stratégique à la domination des agences occidentales. Il ne s'agirait pas de distribuer des notations plus clémentes, assurent-ils, mais de diversifier les points de vue et de rétablir un équilibre dans l'architecture financière mondiale.

''Les perceptions erronées peuvent coûter cher''

Sur le terrain, certaines capitales prennent les devants. Le Cameroun a officiellement annoncé, par la voix du Dr Eloi Tiigribe, sous-directeur du Plan de trésorerie au ministère des Finances, avoir entamé des discussions avec l'agence Bloomfield Investment Corporation, première agence de notation d'Afrique francophone. L'objectif est d'obtenir une évaluation financière locale, en complément des notations internationales. " Nous voulons émuler les meilleures pratiques régionales, à l'image de ce qui se fait en zone UEMOA ", avait déclaré le responsable camerounais lors d'un colloque sur la dette publique à Yaoundé.

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Quelques jours auparavant, la Guinée équatoriale avait ouvert la voie en devenant le premier pays de la zone CEMAC à être noté par Bloomfield. Le 11 avril 2025, l'agence basée à Abidjan attribuait à Malabo une note de " BBB " à long terme et " A2 " à court terme, en monnaie locale, assortie de perspectives stables. Un résultat salué par les autorités locales, qui soulignent la rigueur du processus — conduit avec l'appui de la Banque africaine de développement (BAD), de la Banque africaine de développement (Beac) et du FMI — et fondé sur des données de l'année 2023.

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Face aux critiques, les représentants des grandes agences présentes à Washington ont reconnu la nécessité de mieux dialoguer avec les gouvernements africains et d'expliquer leurs méthodes d'analyse. " Les perceptions erronées peuvent coûter cher ", a admis Roberto Sifon-Arevalo, directeur général chez S&P Global Ratings. " Nous avons un rôle à jouer pour améliorer la compréhension mutuelle entre les agences, les investisseurs et les États ", a renchéri Jorge Valez de Moody's.

Tous ont néanmoins rappelé que leurs notations reposent sur des critères standardisés à l'échelle mondiale et qu'il appartient aussi aux pays de fournir des données fiables, dans les délais. D'où l'appel lancé à renforcer les capacités statistiques et institutionnelles au sein des administrations africaines, condition indispensable pour influencer favorablement les notations à venir.

Perton Biyiha

La Rédaction

Publié le 05/05/25 13:16

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