Principal instrument du Fonds monétaire international pour faire face aux chocs économiques causant de graves déséquilibres des balances de paiement dans le monde, les DTS (droits de tirage spéciaux) ont un usage qui est très souvent difficile à cerner.
Cette caractéristique est surtout renforcée par l'idée que les DTS ne sont pas une monnaie, au sens strict du terme, bien qu'ils soient l'instrument de paiement émis et utilisé par le FMI.
Défini comme un avoir de réserve international, le DTS devrait être prioritairement destiné à renforcer les réserves de change des pays bénéficiaires, généralement membres de l'institution financière de Bretton Woods, grâce à sa convertibilité en dollar américain, euro, yuan chinois, yen japonais et en livre sterling.
Mais dans les faits, est-ce que les DTS ne servent qu'à ça ? Il semblerait que non.
En effet, dans une récente publication en date d'avril 2022, le Centre de recherche économique et politique (CEPR) basé à Washington a mis en relief les divers usages qui pouvaient être faits des DTS.
Pour ce faire, les auteurs du rapport se sont intéressés aux affectations opérées par les gouvernements ayant bénéficié de l'allocation record de 650 milliards de dollars de DTS effectuée le 23 août 2021 par le FMI.
Voir aussi - Allocation de DTS : Les vrais chiffres du FMI de la part de chaque Etat africain
Dans cet article, nous nous appesantirons sur l'utilisation faite par les pays africains de cette allocation entre le 23 août 2021 et 31 mars 2022. A juste titre, puisque selon le rapport, l'Afrique subsaharienne est la région qui a le plus enregistré les utilisations variées de ces DTS.
D'ores et déjà, il est ressorti que les DTS ont été globalement utilisés (1) pour compléter leurs réserves existantes ; (2) acquérir les devises fortes en les échangeant ; (3) servir à des fins fiscales, notamment pour soutenir les budgets nationaux ou réduire la dette extérieure non liée au FM ; et (4) pour alléger la dette envers le FMI.
Renforcer les réserves de change en acquérant des devises fortes
Le renforcement des réserves de change étant l'un des principaux objectifs des DTS afin de permettre l'importation de produits essentiels, certains pays africains ont utilisé une partie de leurs allocations de DTS en 2021 pour compenser la baisse des importations qu'ils ont subi en 2020.
En échangeant en effet leurs DTS en devises fortes, ces pays africains ont réussi à financer leurs importations des biens essentiels, tels que les vaccins des équipements de protection individuelle ainsi que d'autres produits de première nécessité.
L'acquisition de devises fortes sert aussi à stabiliser la monnaie locale. Car en l'absence de devises fortes pour importer, la monnaie locale a tendance à se déprécier, rendant in fine plus chères les futures importations.
Réduire les déficits budgétaires…
Les DTS ont été également utilisés par les pays africains à des fins budgétaires, notamment pour réduire le déficit ou la dette publique. A titre d'illustration, on observe dans le tableau ci-dessous que les allocations de DTS de 2021 peuvent couvrir une part importante du service de la dette de plusieurs pays africains.
Un gouvernement peut vendre en outre ou échanger ses DTS avec la banque centrale locale et obtenir de la monnaie locale à utiliser pour les dépenses intérieures.
A ce niveau, "il est important de noter qu'il y a de fortes raisons de penser que les DTS sont la propriété des gouvernements et non des banques centrales, surtout si l'on considère l'utilisation historique des DTS dans le cadre des programmes de prêts du FMI et leur proximité avec les budgets budgétaires", a précisé le rapport.
Enfin, certains pays africains ont utilisé leurs DTS nouvellement octroyés pour alléger leurs dettes auprès du FMI, sans nécessairement les échanger contre des devises fortes.
L'ensemble des usages faits des DTS par les pays africains dont les données sont disponibles sont présentés dans le tableau récapitulatif ci-dessous.
Dr Ange Ponou
Publié le 24/06/22 17:08