Afrique : Les banques dopent leurs prêts aux États et délaissent les entreprises

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Ces dernières années, les établissements bancaires en Afrique ont, de manière générale, relevé leurs portefeuilles de crédits accordés aux États et leurs démembrements. Pour illustrer cette tendance, la Banque européenne d'investissement (BEI) dans son rapport intitulé "Finance in Africa : Unlocking investment in an era of digital transformation and climate transition" indique que la part de la dette publique dans le total des actifs des banques commerciales africaines est passé d'une moyenne de 10,3% en 2010 à 17,5% en 2023.

Cette progression se justifie en amont par une perception de risque beaucoup plus élevée que les investisseurs ont des États africains sur les marchés financiers internationaux, ce qui contribue à renchérir le coût de la dette en devises. Selon les calculs de la BEI, le rendement moyen des eurobonds africains est passé de moins de 4% en 2019 à plus de 12% en 2023, ce qui oblige la plupart des États à se recentrer sur le marché de la dette en monnaie locale où les investisseurs sont moins exigeants.

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"Pour aider à financer des déficits budgétaires qui se sont creusés à la suite des différents chocs consécutifs – la pandémie de COViD-19, la crise du coût de la vie provoquée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie et le ralentissement économique mondial–, les banques africaines ont absorbé une part importante des nouvelles émissions de dette souveraine intérieure", rapporte la BEI.

L'Afrique centrale tient la dragée haute

Ce soutien des banques locales a été plus marqué en Afrique centrale où le portefeuille de la dette publique représente 24% du total actifs des établissements bancaires en 2023, contre seulement 2,6% en 2010. Il s'agit de la progression la plus rapide à l'échelle du continent. Dans la CEMAC, qui regroupe 6 pays d'Afrique centrale (Cameroun, Gabon, Congo, Tchad, Guinée Équatoriale, RCA), le marché des titres publics lancé en 2011 a fortement contribué à renforcer l'exposition des banques sur les prêts souverains. L'encours des dettes émises sur ce marché, prioritairement réservé aux Etats, est passé de 1 011 milliards FCFA en 2018 à plus de 7 000 milliards FCFA en septembre 2024 (12 milliards de dollars), dont 76% est détenu par les banques. Un bond soutenu par l'accroissement des émissions obligataires pour financer les dépenses liées à la pandémie du Covid-19 et la titrisation des arriérés de la dette intérieure des États.

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En Afrique de l'Ouest et en Afrique australe, l'encours des banques sur le secteur public a augmenté modestement dans des proportions allant de 7 à 9% des actifs, tandis qu'en Afrique du Nord et en Afrique de l'Est, il a augmenté d'environ 3% des actifs.

Éffet d'éviction

En matière d'allocation des ressources, les banques africaines disposent de marges de manœuvre plutôt limitées et dépendent beaucoup des dépôts qu'elles collectent. En consacrant leurs ressources au financement d'instruments souverains jugés plus rentables et moins risqués, elles ont réduit les financements alloués au secteur privé, créant ainsi un effet d'éviction.

"La forte liquidité des instruments souverains, leurs rendements élevés et le fait qu'ils sont perçus comme moins risqués et moins onéreux (en matière d'exigences de fonds propres) les rendent plus attrayants pour les intermédiaires financiers que les prêts au secteur privé. En outre, les instruments souverains ne nécessitent ni examen préalable ni suivi, à la différence des prêts au secteur privé". Les données de la BEI permettent d'observer que les entreprises privées africaines ne pèsent désormais plus que 38% du total actif des banques contre 42% en 2010. La baisse la plus prononcée a été observée en Afrique australe, avec environ -12,1% des actifs, contre -2% à -3% environ pour l'Afrique centrale, l'Afrique du Nord et l'Afrique de l'Ouest.

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Risque de surendettement

Malgré les garanties qu'ils offrent, les États ne sont pas toujours le meilleur risque pour les banques et une trop forte exposition constitue une menace pour le système financier. À titre d'exemple, deux des plus grandes banques du Ghana (Ghana Commercial Bank et Standard Bank) ont subi leur première perte en 2022 à la suite de la décision du pays de restructurer sa dette en monnaie locale. Au Nigéria, les banques ont également enregistré des pertes (environ 1,4 milliard de dollars) à la suite de la restructuration de la dette publique du Ghana.

Cédrick JIONGO

La Rédaction

Publié le 12/11/24 11:14

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