Tribune/Intégration financière : L’Afrique aborde un tournant stratégique

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Par Sabine F. Mensah, Directrice Générale adjointe, AfricaNenda Foundation

Pendant longtemps, les paiements transfrontaliers ont constitué un obstacle majeur en Afrique. Envoyer 100 000 FCFA à travers le continent coûte encore en moyenne 7,9 %, selon la Banque mondiale, loin de l'objectif de 3 % fixé dans les Objectifs de Développement Durable. Cette charge pèse particulièrement sur les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE/PME), qui représentent plus de 90 % de l'emploi en Afrique. Elle freine leur croissance et limite l'exploitation du potentiel de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf).

Cependant, les données du Rapport 2025 sur l'État des Systèmes de Paiement Instantanés Inclusifs (SIIPS) annoncent de belles perspectives : 36 SPI sont désormais opérationnels dans 31 pays africains et cinq nouveaux systèmes ont été lancés entre 2024 et 2025. Cette expansion traduit une volonté claire des États et des institutions financières de créer un écosystème où les paiements instantanés ne sont plus un luxe réservé aux pôles urbains, mais deviennent un outil accessible à toutes les populations, des grandes métropoles aux zones rurales.

Autre développement majeur : le lancement récent du Système de Paiement Instantané (SPI) de la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), qui symbolise l'entrée de la région dans une nouvelle ère où la fluidité des transactions devient un levier de croissance et d'intégration économique. Cette dynamique s'inscrit dans un mouvement plus large à l'échelle du continent et montre comment l'Afrique est en train de se transformer financièrement, à un rythme qui dépasse largement les prévisions des analystes traditionnels.

En effet, le paysage financier africain change rapidement. Le SPI de la BCEAO s'ajoute à un ensemble d'infrastructures numériques publiques émergentes, conçues pour connecter le continent : le Pan-African Payment and Settlement System (PAPSS), les Transactions Cleared on an Immediate Basis (TCIB) de la Communauté de développement d'Afrique australe (CDAA), et GIMACPAY, la plateforme interopérable de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC). Ces systèmes transforment la manière dont l'argent circule, rendant les paiements plus rapides, plus sûrs et plus inclusifs. Le SIIPS 2025 note que 18 SPI fonctionnent désormais comme plateformes interopérables multifournisseurs, intégrant banques, fintechs, institutions de microfinance et opérateurs d'argent mobile. La majorité des SPI reposent sur l'usage du mobile et des QR codes, et la diversification des usages s'accélère, aussi bien dans le cadre des paiements entre particuliers que des transactions transfrontalières.

Autre avancée, le Nigeria Instant Payments (NIP) a atteint un niveau " mature " d'inclusivité selon l'Échelle d'Inclusivité d'AfricaNenda, devenant ainsi le premier Système de Paiement Instantané Inclusif (SPII) du continent. Le rapport SIIPS 2025 révèle par ailleurs une croissance spectaculaire : 64 milliards de transactions ont été enregistrées sur les SPI africains en 2024, soit une progression annuelle de 35 % depuis 2020, pour une valeur totale proche de 2 000 milliards de dollars (environ 1 130 000 milliards de francs CFA), en hausse de 26 % par an.

Le SIIPS 2025 révèle également une réalité nuancée côté utilisateurs : dans les quatre pays étudiés (Angola, Côte d'Ivoire, Madagascar, Tunisie), l'adoption progresse plus rapidement chez les particuliers que chez les commerçants. Les adultes de plus de 30 ans utilisent plus régulièrement les paiements numériques que les plus jeunes, et les hommes davantage que les femmes. Néanmoins, les entrepreneures constatent une autonomie financière croissante dès lors qu'elles disposent de revenus réguliers, confirmant l'impact social et économique des SPII. Pour maintenir cette dynamique et en amplifier l'impact, trois leviers seront déterminants.

Trois leviers pour consolider cette dynamique continentale

Le premier levier concerne les infrastructures publiques numériques (Digital Public Infrastructure, DPI). Trente-six pays disposent à la fois d'un SPI opérationnel, d'un système d'identification numérique et d'une législation sur la protection des données. Mais ces piliers restent souvent cloisonnés. Construire un écosystème de DPI intégré exige une coordination entre les institutions, des investissements ciblés, un renforcement des compétences, des mécanismes de financement ainsi que des cadres de confiance et des politiques de confidentialité.

Le deuxième levier concerne les paiements publics aux particuliers (G2P). Actuellement, seuls 11 SPI prennent en charge ce type de transactions, qui constituent pourtant un moteur naturel d'inclusion. Les obstacles sont connus : identités fragmentées, absence de standards pour les API, réglementation restrictive vis-à-vis des prestataires non bancaires. Lever ces obstacles permettrait de renforcer l'efficacité des États et d'améliorer la résilience économique des ménages.

Le troisième levier porte sur les paiements transfrontaliers de détail. Pour généraliser leur adoption à l'échelle du continent, il faudra harmoniser les exigences de connaissance électronique du client (e-KYC) et les règles de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT), standardiser les API et créer un cadre de " passporting " des licences fintech, tout en réglant les questions de change et de règlement.

Le leadership africain dans les services financiers mobiles reste un atout décisif. Selon le Global Findex 2025, 40 % des adultes africains disposent désormais d'un compte d'argent mobile. Mais les services demeurent fragmentés, les transactions interbancaires restent lentes et les frais transfrontaliers sont élevés. Les fintechs, moteurs d'innovation, se heurtent encore à des délais d'octroi de licence pouvant aller jusqu'à trois ans dans certaines juridictions.

Face à ces défis, AfricaNenda Foundation s'impose comme un acteur déterminant. Son approche associe vision stratégique et activité opérationnelle : appui aux banques centrales et aux gouvernements, assistance technique, renforcement des capacités, analyses fondées sur les données et partage d'expériences entre pairs. Ce leadership discret mais influent contribue à bâtir des SPI accessibles, fiables et réellement inclusifs.

Derrière cette modernisation se profile une ambition commune : l'autonomisation. Les SPII offrent aux femmes davantage de contrôle sur leurs finances, permettent aux TPE/PME d'opérer au-delà des frontières et intègrent les communautés rurales dans les marchés régionaux. D'ici 2030, AfricaNenda Foundation entend étendre l'accès à des paiements instantanés abordables à 260 millions de personnes supplémentaires en Afrique, en s'appuyant sur les progrès déjà réalisés dans l'UEMOA, la CEMAC, la CDAA et l'Afrique de l'Est.

Le SPI de la BCEAO ouvre ainsi un nouveau chapitre : celui d'un continent capable de maîtriser ses flux financiers, d'accélérer son intégration et de piloter son développement économique. Au cœur de cette transformation, le leadership visionnaire d'AfricaNenda Foundation montre qu'une gouvernance éclairée et ambitieuse peut ouvrir de nouvelles perspectives économiques pour l'Afrique

Communiqué

Publié le 11/12/25 10:18

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