Conférence Risque Pays : Les experts débattent de la dette ivoirienne

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Après 2020, la Côte d'Ivoire enregistre un nouveau repli de sa note globale risque pays qui passe de 5,7 à 5,6 en 2021 (sur une échelle de 10). C'est la conclusion du  dernier rapport que vient de présenter l'agence de notation financière Bloomfield Investment à la faveur de sa traditionnelle conférence annuelle ce 3 juin.

La Côte d'Ivoire présente donc, d'après la nomenclature du rapport, un " risque modéré " pour les investisseurs même si elle n'a pas encore retrouvé son niveau de 2019 qui était de 6,1 (correspondant à un ‘'risque faible''). Les perspectives restent stables à court et à long termes.

En 2021, les 5 paramètres d'analyse (climat des affaires, performances macroéconomiques, gestion des finances publiques, solidité du système financier et risque sociopolitique) sont restés stables à l'exception du ‘'Climat des affaires'' et du ‘' risque sociopolitique'' qui ont légèrement baissé.

Après une année 2020 marquée par la crise de la Covid-19 et les incertitudes autour de la présidentielle d'octobre, dont les effets se sont quelque peu prolongés ce début d'année,  l'économie ivoirienne a su se montrer résiliente avec une croissance de 1,8%.  Un ralentissement (6,2% de croissance en 2019) qui a touché l'ensemble des secteurs d'activité en raison de la forte dépendance du pays à l'économie mondiale, ce qui dénote de la difficulté du pays " à faire face aux chocs extérieurs ", a expliqué Stanislas Zézé, le PDG de Bloomfield Investment. Le Bloomfield Private Index (BPI), l'indice développé par Bloomfield pour évaluer la performance du secteur privé a affiché par exemple un score moyen de 46,05% l'année dernière, " ce qui suggère que la dynamique de croissance du secteur privé enregistre une baisse relativement à son niveau de 2019 (avec un indice au-dessus de 50, à 50,07) ", relève le rapport.

" Il faut aller vers une transformation une économie plus autosuffisante ; c'est une question de survie ", a exhorté le patron de Bloomfield Investment qui a en outre relevé que le flux d'IDE (investissements directs étrangers), de 913 millions de dollars en 2018, est passé à 600 millions de dollars en 2020.

La dette en question

La dette de la Côte d'Ivoire a été l'un des grands sujets débattus au cours de l'évènement. Avec un ratio dette/PIB à près de 47%, le pays n'est pas en situation de surendettement, mais la structure et la dynamique de la dette suscite des interrogations. A environ 16 000 milliards FCFA fin 2020, le service de la dette représentait tout de même 88,5% des recettes fiscales, un niveau passé à 51% en 2020 en raison du moratoire sur la dette (ISSD) relatif au report des échéances de remboursement.

Mais également, les 2/3 du stock de la dette sont détenus en devises étrangères, un profil qui constitue la base de l'évaluation des agences internationales comme Fitch Ratings qui logent le pays dans la catégorie spéculative, ce qui a un impact direct sur les taux d'intérêt. Une situation dommageable pour un pays qui est pourtant noté dans la catégorie A (risque faible) par Bloomfield Investment qui évalue la capacité de remboursement en monnaie locale. " En réalité, la Côte d'Ivoire ne présente pas un risque élevé pour sa dette (de manière plus globale, ndlr) ", a souligné Stanislas ZEZE.

Voir aussi - Côte d'Ivoire : Le stock de la dette franchit le cap de 17 000 milliards FCFA au 1er trimestre 2021

" Toutes les analyses de la viabilité de la dette ont montré que les signaux de la Côte d'Ivoire sont au vert. (...) la Côte d'Ivoire reste sur une trajectoire solvable ", a assuré pour sa part Moussa SANOGO, le ministre ivoirien en charge du Budget. Ce dernier a toutefois reconnu que des efforts sont à faire au niveau des ressources internes dans un contexte où le taux de pression fiscale (rapport recette fiscale/PIB) est passé à 12% contre une norme de 20% dans l'UEMOA en raison de la réévaluation du PIB.

Si le recours à la dette internationale, conséquence des limites du marché régional, permet d'obtenir des taux d'intérêt jugés relativement meilleurs, il n'en pas demeure moins que le coût reste élevé pour nos économies ; " nos pays s'endettent trop chers ; le service de la dette est trop lourd ", a mis en avant Edoh Kossi AMENOUNVE, le directeur général de la BRVM. " Il nous faut travailler sur les institutions locales à savoir les banques, les assurances et institutions de prévoyance sociale, pour qu'elles détiennent notre dette et surtout parvenir à capter l'épargne populaire pour la financer ", a-t-il ajouté.

Avec " moins de 1% des souscriptions aux titres publics émanant des particuliers ", il importe de procéder à une " digitalisation des souscriptions à la dette publique ", une initiative qui fait l'objet de réflexion en Côte d'Ivoire a poursuivi Edoh Kossi AMENOUNVE.

Autre piste à explorer, les instruments financiers innovants comme les " Green Bond et les Project Bonds " qui permettent de capter l'épargne internationale à des coûts plus accessibles et qui ne sont pourtant pas encore exploités par les Etats.

Les banques locales, elles, avec des ressources qui restent limitées, ont par ailleurs tendance à privilégier les emprunts souverains qui représentent " 50% de leurs actifs contre 35% pour l'économie réelle " a relevé Charles Kié, patron de New African Capital Partners. Un arbitrage qui pénalise l'offre de crédit dont ont pourtant bien besoin les entreprises, en particulier les PME, pour se développer et contribuer aux recettes fiscales.

" Il faut absolument renforcer notre capacité d'épargne collective qui sera réinvestie, non pas uniquement sur des instruments de dette, mais des mécanismes de participation aux fonds propres des entreprises. C'est la grande problématique à se poser ", a suggéré Paul-Harry AITHNARD, le directeur général d'Ecobank Côte d'Ivoire.  

Au final, l'élargissement de l'assiette fiscale et la mobilisation de l'épargne locale, que parviennent malheureusement à appâter les promoteurs de produits frauduleux de type Ponzi, sont bien des clés pour réussir à financer des économies qui pour l'heure ne peut se passer du marché international de dette qui offre de biens meilleures conditions.  

Jean Mermoz Konandi

Publié le 04/06/21 19:48

1 commentaire sur cet article. Participez à la discussion.
nanmidiat


04/06/21 22:59
Service de la dette à 88,5% des recettes fiscales ! Avouons que nous sommes sur une pente très dangereuse.

À cette allure, nos recettes fiscales ne serviront rien qu'à rembourser la dette à un moment donné...

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