Affaire BHCI : Le rapport accablant de la BCEAO qui dénonce la gestion de Westbridge

BRVMC0000000 - BRVMC
La BRVM Ferme dans 2h9min

C'est un rapport particulièrement accablant de la Commission bancaire de l'UMOA parvenue à la rédaction de Sika Finance qui étale de nombreuses irrégularités dont ont fait preuve les représentants de Westbridge dans la gestion de la BHCI.

Un cocktail explosif d'actes de gestion posés par le groupe qui a poussé la commission, présidée par Tiémoko Meyliet Koné, gouverneur de la BCEAO, à décider depuis le 23 septembre dernier de  la " mise sous surveillance rapprochée jusqu'à nouvel ordre " de l'établissement.

Westbridge acquéreur sans être propriétaire

Le rapport relève que dans les faits, Westbridge n'a pas encore finaliser le processus d'acquisition des actifs de la banque évoquant " l'ineffectivité du transfert de propriété des actions de la BHCI détenues par l'Etat (ivoirien) et ses démembrements " et la " non-retranscription de ladite cession dans le registre des transferts de la BHCI ". Une situation expliquée par le fait que Westbridge était encore sous le coup " des conditions suspensives de l'article 7 de la convention de cession des actifs " de l'Etat.

Voir aussi - Affaire BHCI : L'Etat ivoirien nomme un nouveau DG et met Westbridge à la porte

Dans le cas d'espèce, l'on apprend que le canadien n'avait effectué aucun apport effectif de fonds dans le cadre du rachat de la banque, la souscription de ses parts " ayant été accordée sur la base d'une avance accordée par la BHCI " !

Une gouvernance problématique

Une insuffisance qui n'a pas empêché Westbridge à prendre une part active dans la gestion de la banque. Depuis février 2018 en effet, Dieydi JD Dabira, administrateur représentant de Westbridge au conseil d'administration de la BHCI a, note Sika Finance, fait figure de " dirigeant de fait ", s'immixant dans ses activités à travers notamment le choix de sa stratégie, les décisions d'octroi de crédits, les choix d'investissements et même le recrutement du personnel.

En outre, alors que la réglementation de l'OHADA prévoit un représentant par personne morale au sein du conseil d'administration, Westbridge en avait 3 et l'autre actionnaire de la banque, Demack, y avait nommé deux représentants.

Une gestion financière dénoncée

Le rapport a également épinglé la gestion financière de la banque dont les ressources ont été allouées sans tenir compte de sa fragilité.

Suite à l'acquisition de la banque, Westbridge crée fin 2018 une filiale dénommée " Foncière Fama Mae Reit " détenue à 100% par la BHCI et dont JD Dabira est l'administrateur directeur général. Et à ce titre, ce dernier percevait de la BHCI une rémunération mensuelle de 5 millions FCFA " sans la production de pièces justificatives requises ".

Voir aussi - Affaire BHCI : Westbridge porte plainte contre l'Etat ivoirien

De même, la commission dénonce le défaut de maîtrise des charges dans un contexte où l'établissement était en attente du renflouement de ses caisses par le nouvel acquéreur pour renforcer ses fonds propres. Il est ainsi pointé du doigt le déménagement du siège social dans de nouveaux locaux, le recrutement de près d'une centaine d'employés en un an, le changement d'identité visuelle occasionnant des dépenses d'aménagement d'agences et de  communication. En plus, Westbridge a engagé la construction du " Village BHCI ", un projet immobilier destiné aux agents. Il s'agit ici de dépenses qui ont été engagées " en dehors des règles de passation de marché " note la Commission et qui ont été en partie " financés à partir des dépôts de la clientèle "!

Aussi, pour la seule année 2018, le rapport mentionne-t-il des dépenses d'investissement de 3,06 milliards FCFA effectuées " sans l'approbation du conseil d'administration " alors qu'il était prévu au budget  534 millions FCFA, soit un surplus de dépenses de 2,53 milliards FCFA.

Par ailleurs, l'on relève que BHCI a entamé le financement d'opérations immobilières en dehors de la Côte d'Ivoire, au Sénégal et en Mauritanie, " en l'absence de procédures et modes opératoires formalisés ".

Une activité bancaire irrégulière

Dans le même temps, les activités de prêts ont été menées sans vraiment tenir compte de l'orthodoxie du métier. Entre juin 2018 et juin 2019, les crédits à la clientèle ont bondi de 54% à 120,3 milliards FCFA, alors que les dépôts n'ont pas augmenté dans le même rythme expliquant ainsi en bonne partie les difficultés de trésorerie de la banque.

Autre irrégularité marquante : " les comptes ordinaires des clients sont débités par la banque avant la mise en place des concours accordés (avant leur approvisionnement effectif, ndlr), entraînant ainsi de nombreux découverts sans autorisation ".

A propos de la politique du crédit, Sika Finance a pu relever " le défaut d'analyse de la situation des emprunteurs  lors des processus d'octroi de crédit " en violation de la réglementation, de sorte que " des prêts ont été accordés à des entreprises dont les situations financières sont dégradées ".

A fin juin 2019, le taux de dégradation du portefeuille est ainsi évalué à 37,8%.

Au regard de la situation, la mission conduite par la commission a requis des provisions complémentaires de 8,7 milliards FCFA " avec en conséquence les fonds propres de base durs qui se chiffrent à -9,7 milliards FCFA contre 1,88 milliard déclarés par la banque ". Et le rapport de souligner que " les fonds propres ne permettent de respecter aucune des normes prudentielles qui leur sont liées ".

Au surplus, la banque ne disposait pas de politique et procédures appropriées pour la gestion du risque de liquidité. A titre d'illustration, le rapport mentionne qu'alors que la BHCI avait accusé un dépôt de 5 milliards FCFA entre le 15 et le 30 août dernier, l'établissement faisait toujours face à des difficultés d'exécution des ordres de virement de la clientèle.

"Mise sous surveillance rapprochée"

Dans son rapport, la Commission bancaire a décidé de maintenir la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de BHCI et avait exigé " le remboursement intégral sans délai des dettes contractées par Westbridge à l'égard de la BHCI pour conforter la trésorerie de la banque ".

Il avait été également exigé au repreneur, entre autres, la finalisation du processus de rachat des parts de la BHCI avant le 15 octobre dernier et l'arrêt de la distribution des prêts et de ses investissements.

Le canadien Westbrige a manifestement foulé aux pieds les principes de bonne gestion d'une banque et les règles connexes établies au sein de la zone UEMOA. Une situation qui explique certainement le choix de l'Etat ivoirien d'opérer la reprise en main totale de la banque au risque de la voir s'effondrer d'elle-même, ce qui aurait été un désastre pour ses milliers d'épargnants.

Jean Mermoz Konandi

Publié le 02/12/19 18:02

SOYEZ LE PREMIER A REAGIR A CET ARTICLE

Pour poster un commentaire, merci de vous identifier.

vdvU-NymJky-w2WOhCcQhmT3BehP6qDaGdfmQaoB330 False