L'économie mondiale s'apprête à vivre une année charnière. Pour la première fois, la valeur des échanges internationaux de biens et de services devrait dépasser 35 000 milliards de dollars en 2025, selon les dernières estimations de la CNUCED. Cette performance inédite, attendue après un second semestre dynamique, marque un rebond notable du commerce international malgré un environnement économique plus fragmenté et davantage contraint par les tensions géopolitiques.
L'année 2025 devrait ainsi se conclure sur une progression d'environ 7% par rapport à 2024, soit un gain de près de 2 200 milliards de dollars. Les biens contribueraient à hauteur de 1 500 milliards de dollars à cette expansion, tandis que les services afficheraient une hausse de près de 9%, soit 750 milliards. La croissance devrait toutefois s'essouffler durant les derniers mois de l'année, la CNUCED anticipant une progression plus modérée de 0,5% pour les biens et de 2% pour les services au quatrième trimestre.
La dynamique observée depuis le début de l'année s'explique moins par les prix, attendus en baisse en fin d'année, que par l'augmentation des volumes échangés. Cette distinction marque un tournant après plusieurs trimestres où l'inflation avait gonflé la valeur nominale des échanges. Le moteur de l'expansion devient désormais l'activité réelle, témoignant d'une demande toujours solide dans plusieurs grands secteurs industriels et agricoles.
À plus long terme, la tendance devrait toutefois se normaliser. Le ralentissement de la croissance, la montée des coûts logistiques et les incertitudes financières pourraient peser sur les flux mondiaux dès 2026.
L'essor du commerce Sud-Sud comme pilier de résilience
L'une des évolutions les plus structurantes concerne l'accélération du commerce entre économies en développement. Le commerce Sud-Sud a progressé de 8% entre fin 2024 et fin 2025, dépassant la moyenne mondiale. Cette dynamique confirme la montée en puissance de nouvelles zones d'intégration et de coopération régionales, même si les pressions liées à l'endettement continuent de fragiliser plusieurs économies en développement.
L'Afrique illustre cette recomposition. Les importations du continent ont augmenté de 10% sur un an, soutenues par la demande en biens industriels et en matières premières transformées. Ses exportations ont progressé de 6%, une évolution notable dans un contexte de prix modérés pour les combustibles minéraux.
L'Asie de l'Est, quant à elle, reste le principal moteur du commerce mondial. Ses exportations ont enregistré une croissance de 9% sur un an, dynamisées par un commerce intra-régional en hausse de 10%. L'Europe et l'Amérique du Nord affichent des trajectoires plus modérées, avec des évolutions contrastées entre exportations et importations.
Un secteur manufacturier solide porté par l'électronique et l'agroalimentaire
Sur le plan sectoriel, l'industrie manufacturière confirme son rôle central. Les échanges ont progressé de 3 % au troisième trimestre 2025 et de 10 % sur un an. L'électronique domine, profitant d'une demande soutenue par l'essor de l'intelligence artificielle et des technologies embarquées, avec une croissance de 14%.
L'agriculture a également surpris par sa vigueur. Les échanges ont bondi de 8% sur le trimestre, avec une forte progression des céréales, des fruits et légumes et des oléagineux. La sécurité alimentaire, redevenue une priorité dans de nombreuses régions, stimule les flux.
À l'inverse, le secteur automobile continue de se reconfigurer. Le commerce a reculé de 1% au troisième trimestre et de 4% sur un an. Les véhicules hybrides sont désormais le seul segment en croissance, en hausse de 22%, tandis que les véhicules thermiques et électriques affichent des replis marqués, conséquence d'un marché arrivé à maturité et d'incertitudes réglementaires.
Des déséquilibres persistants et un recentrage des relations commerciales
Les déséquilibres mondiaux restent élevés mais semblent se stabiliser. L'excédent chinois en biens demeure supérieur de 30 milliards de dollars à son niveau de l'an dernier, malgré un léger repli au troisième trimestre. Le déficit commercial américain s'est réduit, reflétant une baisse de la demande intérieure et un renforcement de certaines exportations.
Parallèlement, les flux mondiaux se recomposent sous l'effet de logiques politiques et géographiques. Le friendshoring et le nearshoring, deux stratégies visant à privilégier les partenaires alignés politiquement ou géographiquement proches, se renforcent de nouveau. Après un début d'année marqué par des hésitations, les indicateurs se rapprochent désormais de leurs moyennes de long terme observées en 2021.
Cette évolution s'accompagne d'une concentration croissante des échanges entre les principales économies mondiales. Une part plus importante du commerce se réalise désormais entre un groupe réduit de grands acteurs, signe que les chaînes de valeur se redessinent autour d'alliances économiques plus stables.
Dr Ange Ponou
Publié le 12/12/25 10:07


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