On peut désormais l'affirmer, le Sénégal est entré dans une zone de fortes turbulences, à la fois politiques et financières. Moins de dix-huit mois après l'élection du président Bassirou Diomaye Faye, la coalition gouvernementale issue du PASTEF, fondé par Ousmane Sonko, rencontre ses premières dissensions. Une situation qui brouille davantage la trajectoire politique du pays au moment où celui-ci tente de restaurer la confiance des bailleurs internationaux.
L'annonce faite le 11 novembre par le parti au pouvoir de la création d'une nouvelle alliance, intervient alors que le Fonds monétaire international (FMI) a quitté Dakar la semaine dernière sans parvenir à un nouvel accord de financement. Pour les marchés, c'est l'incertitude qui s'installe. Les obligations souveraines sénégalaises en dollars ont chuté pour la quatrième journée consécutive, accentuant la défiance des investisseurs.
Une crise de confiance financière sur fond de tensions politiques
Le contexte économique reste fragile. Depuis la révélation en 2024 de 7 milliards de dollars de prêts non déclarés, le pays peine à restaurer sa crédibilité financière. Cette dette ‘'cachée'', issue de contrats parallèles et de financements extrabudgétaires, a conduit à la suspension temporaire du programme d'aide du FMI, un coup dur pour un pays jusque-là considéré comme l'un des élèves modèles de l'UEMOA.
Dans une région déjà marquée par des déficits publics élevés, cette situation a accru la vigilance des investisseurs régionaux et internationaux. ‘'Le Sénégal reste solvable, mais la perception du risque s'est clairement détériorée'', estime un analyste.
L'instabilité politique actuelle pourrait retarder les discussions avec le FMI sur un nouveau programme de réformes visant à rétablir la soutenabilité budgétaire.
Le duo Faye – Sonko au bord de la rupture
Si Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko incarnaient à l'origine une même promesse de rupture politique, la réalité du pouvoir semble avoir creusé un fossé entre les deux hommes. Le président, élu en avril 2024, avait rapidement nommé son mentor au poste de Premier ministre. Mais les divergences se sont accentuées autour du partage du pouvoir et de la gestion de l'alliance.
Le limogeage d'Aïssatou Mbodj, une proche de Sonko, de son poste de coordinatrice de la coalition, a révélé un désaccord qui était jusque-là invisible. Le PASTEF a aussitôt annoncé la création d'une nouvelle coalition politique, évoquant la possibilité d'un rassemblement plus large avec d'autres forces nationales.
Les observateurs voient dans cette manœuvre une lutte d'influence directe entre les deux pôles du pouvoir. Une note récente d'Oxford Economics soulignait déjà que le dernier remaniement ministériel renforçait le poids politique du Premier ministre, confirmant le déséquilibre croissant au sein de l'exécutif.
Les marchés en attente de signaux de stabilité
Pour les investisseurs, la question centrale demeure la même : le Sénégal parviendra-t-il à stabiliser son cadre politique et budgétaire avant 2026 ? Le pays reste une économie clé de l'UEMOA, représentant près de 20% du PIB régional. Mais la combinaison d'une dette élevée, d'un déficit budgétaire persistant et d'une fragmentation politique complique la mise en œuvre des réformes nécessaires.
Dans l'immédiat, les analystes s'attendent à une volatilité accrue des marchés souverains sénégalais et à un ralentissement des discussions avec les institutions financières internationales.
La dissolution de la coalition apparaît comme un test politique majeur pour Bassirou Diomaye Faye, qui doit désormais affirmer son autorité tout en rassurant ses partenaires économiques.
L'enjeu dépasse les équilibres internes : il s'agit de préserver la stabilité d'un pays longtemps perçu comme un modèle démocratique et financier dans la sous-région.
Entre la nécessité de restaurer la confiance des investisseurs et celle de maintenir la cohésion politique interne, le président sénégalais entame un exercice d'équilibriste délicat. Le succès ou l'échec de cette séquence déterminera la trajectoire du pays dans les années à venir, et par ricochet, l'image de résilience économique de l'ensemble de l'UEMOA.
La Rédaction
Publié le 13/11/25 10:41


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