Le Ghana, premier producteur d'or d'Afrique, perd chaque année des milliards de dollars en raison de la contrebande d'or artisanal à destination des Émirats arabes unis, révèle un rapport accablant de l'organisation Swissaid. Entre 2013 et 2018, ce sont pas moins de 229 tonnes d'or, représentant une valeur de 11,4 milliards de dollars (6 475 milliards FCFA), qui se seraient évaporées dans les circuits informels, principalement vers Dubaï, selon les conclusions publiées le 11 juin 2025 par l'ONG suisse et citées par Reuters.
L'écart commercial pointé par Swissaid entre les exportations officiellement déclarées par le Ghana et les importations rapportées par les Émirats arabes unis illustre une fuite massive de ressources stratégiques. ''Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg'', a déclaré Ulf Laessing, directeur du programme Sahel à la Fondation Konrad Adenauer, interrogé par Reuters. Il décrit un trafic d'or effectué "à la main" ou par avion, échappant à tout contrôle douanier à l'arrivée dans les Émirats.
L'ONG affirme que l'or ghanéen passe principalement en contrebande par le Togo, avant d'atteindre Dubaï. D'autres circuits empruntent le Burkina Faso et le Mali, via des frontières perméables. À Accra, un haut responsable de la Commission de régulation des minéraux a reconnu sous anonymat que ces pratiques étaient bien connues des autorités : ''C'est un fait notoire'', a-t-il concédé, cité par Reuters.
Une fiscalité contre-productive
Le rapport pointe du doigt une réforme fiscale adoptée en 2019, imposant une retenue à la source de 3 % sur les exportations d'or artisanal. Cette mesure, censée rapporter plus de recettes à l'État, a au contraire provoqué une chute des exportations formelles et une flambée de la contrebande. En réponse, le gouvernement a abaissé la taxe à 1,5 % en 2022. Les résultats ont été immédiats selon le confrère : les déclarations à l'export ont rebondi. En mars dernier, le ministre des Finances a même supprimé la taxe, saluant les effets positifs de cette réforme sur les flux officiels.
Pourtant, selon Swissaid, près de 34 tonnes d'or produites en 2023 soit l'équivalent de la totalité de la production artisanale déclarée ont échappé au circuit officiel. Ce chiffre illustre l'ampleur du phénomène informel qui mine les efforts de transparence et prive l'État de revenus indispensables.
Dubaï, hub opaque de l'or africain
Le cas ghanéen s'inscrit dans une dynamique continentale plus large. Selon Reuters, de nombreux pays producteurs africains affichent des écarts significatifs entre leurs chiffres officiels d'exportation et ceux enregistrés par les Émirats arabes unis à l'importation. Malgré des mesures mises en place à Dubaï pour mieux tracer l'origine de l'or, les résultats restent limités.
La situation est d'autant plus préoccupante qu'elle alimente des circuits illicites aux conséquences lourdes. L'exploitation minière artisanale fournit un revenu à plus de 10 millions de personnes en Afrique subsaharienne, selon un rapport de l'ONU publié en mai, mais elle est également devenue un vecteur de financement pour le crime organisé et les groupes armés.
Une volonté politique encore timide
Si le gouvernement ghanéen affiche désormais sa volonté de reprendre le contrôle du secteur aurifère, certains observateurs pointent une lenteur inquiétante dans la mise en œuvre des réformes. Bright Simons, analyste au sein du think tank ghanéen Imani Center for Policy and Education, estime selon Reuters que les problèmes de gouvernance qui gangrènent le secteur ''ont été longtemps ignorés'' et que, bien qu'un nouveau souffle soit perceptible, ''le rythme reste assez lent''.
En 2024, le Ghana a engrangé 11,6 milliards de dollars de recettes issues de ses exportations d'or, un chiffre qui pourrait être bien supérieur si la contrebande était jugulée. Pour cela, une véritable refonte des mécanismes de régulation, de traçabilité et d'incitation fiscale semble désormais incontournable.
La Rédaction
Publié le 16/06/25 14:54
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