Cameroun : L’histoire du bras de fer judiciaire qui menace la survie de MTN

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Le sud-africain MTN joue peut-être sa survie au Cameroun. Le 14 juillet prochain, le juge de la cour d'appel du Littoral se prononcera sur la mise sous séquestre des comptes bancaires de MTN Cameroon dans le cadre de la procédure qui oppose la filiale camerounaise du géant des télécoms à l'homme d'affaires camerounais Baba Ahmadou Danpullo.

Le 9 juin dernier, une ordonnance du juge des Référés au Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo invitait les banques qui abritent ces fonds estimés à plus de 140 milliards FCFA, environ 213,4 millions d'euros, à les transférer sur le compte du greffier en chef de ladite juridiction sous peine d'une amende de 100 millions de FCFA par jour, soit 152 440 euros. MTN Cameroon qui a fait appel de la décision souhaite que, dans le cadre de la mise sous séquestre de ses fonds, que ceux-ci soient mis à la disposition de la Caisse de Dépôts et de Consignations (CDEC), un organisme public chargé de collecter, sécuriser et rentabiliser les ressources publiques et privées. La société de téléphonie mobile conteste la légitimité de l'ordonnance sus évoquée, laquelle prévoit d'ailleurs une rémunération du greffier à hauteur de 0,3% du montant par trimestre soit 420 millions FCFA (640 248 euros) tous les 3 mois en fonction de la durée de la procédure.

Pour MTN, la décision du juge d'appel sera déterminante pour la suite de la longue bataille judiciaire que l'entreprise est forcée de mener depuis septembre 2022, date à laquelle ses comptes ont fait l'objet d'une saisie conservatoire par la justice. Il en est de même pour son avenir dans le pays car après 23 ans d'activités, le futur de cet opérateur de téléphonie mobile qui revendique plus de 12 millions d'abonnés se voit désormais en pointillés. Dans un récent communiqué, Mitwa N'Gambi, le Directeur Général de MTN Cameroon, a déclaré que la bataille judiciaire en cours " mettait gravement en péril " la poursuite des activités de l'opérateur dans le pays. 

"Nous sommes par conséquent choqués d'être mêlés à cette affaire par l'intermédiaire d'un tribunal camerounais où Bestinver (la holding de l'homme d'affaires camerounais  Baba Ahmadou Danpullo) a pu obtenir des ordonnances de saisie des comptes bancaires de sociétés sud-africaines basées au Cameroun, même si ces sociétés ne sont pas directement ou indirectement impliquées dans le litige en Afrique du Sud" a déclaré la dirigeante.

Aux origines du problème

Les déboires judiciaires de MTN Cameroon ont en effet un nom : Baba Ahmadou Danpullo. Cet homme d'affaires camerounais présenté en 2019 par le magazine Forbes comme le plus riche d'Afrique subsaharienne, a fait fortune dans l'agroalimentaire, les télécoms, le transport et l'immobilier entre autres. En Afrique du Sud où il détient un vaste parc immobilier, via sa holding Bestinver, le milliardaire a vu ces actifs être saisis et liquidés en 2022 à la demande de sa banque, la First National Bank (FNB) pour " défaut de paiement répétés " dans le cadre d'une dette contractée entre août 2016 et octobre 2017. En effet, selon Baba Danpullo et ses conseils, le groupe Bestinver a obtenu trois prêts d'un montant total de 610 millions de rands (19,5 milliards de FCFA) sur la période indiquée. Comme sûreté, l'homme d'affaires, surnommé le "roi du Thé", a mis en garantie son parc immobilier qu'il évalue à plus de 5  milliards de rands (environ 200 milliards de FCFA).

Le remboursement, de l'ordre de 10 millions de rands par mois, devait s'étaler sur dix ans. Alors qu'il restait sept années d'échéances, la FNB a sollicité le remboursement intégral et anticipé du montant dû pour non-respect par le contractant des clauses de remboursement. La justice sud-africaine a à cet effet été saisie et les garanties de l'homme d'affaires camerounais placés en liquidation.

" Croisade raciste, xénophobe..."

Pour le clan Danpullo, " il n'y a pas eu un problème de remboursement, mais plutôt la résiliation unilatérale et anticipée de son contrat de prêt, suivie de l'exigibilité immédiate du crédit ", soutient Me Aggée Mbanzehe, membre du pool des avocats du milliardaire. Ces derniers ont dénoncé "une croisade violente, anti-professionnelle, raciste, xénophobe et inhumaine" contre leur client visant à le déposséder de ses biens.

En riposte, le Camerounais, de retour dans son pays, va obtenir d'un juge, la "saisie conservatoire des créances" sur les comptes de MTN Cameroon et de Chococam (filiale du groupe agroalimentaire Tiger Brands). Ces deux entreprises n'ont à priori rien à voir avec l'affaire évoquée plus haut, mais selon le camp Danpullo, leur implication tient de ce qu' elles sont détenues majoritairement par le fonds de pension public sud-africain Public Investment Corporation, qui est par ailleurs actionnaire de référence dans FNB.

En faisant saisir les fonds de ces deux entreprises, le milliardaire camerounais espère recouvrer plus de 243 milliards FCFA (370,4 millions d'euros) qu'il réclame à la FNB. Outre les 200 milliards FCFA correspondant à l'ensemble des biens liquidés, Baba Danpullo réclame également 540 millions de rands (21,6 milliards FCFA) correspondant aux loyers perçus par FNB jusqu'en avril 2020 et 22,1 milliards FCFA (33,7 millions d'euros) de frais de recouvrement.

Affaire à suivre…


Fernand Ghokeng

La Rédaction

Publié le 03/07/23 18:00

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